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encore à parler. Il lui manque seulement, ou surtout, d’être prochaine.

M. Charles Le Goffic a pris dans l’Islandaise, une des plus poétiques nouvelles de son poétique recueil, Passions Celtes, le sujet, très simple, non moins triste, et très musical, ou « musicable, » du Pays. Tual, un marin breton, a fait naufrage sur les côtes de l’Islande. Un brave insulaire, Jörgen, a sauvé Tual, du péril de la mer d’abord, et puis d’un autre danger : l’enlizement dans les fonds mouvans d’un marécage ou d’une tourbière, qui s’appelle, d’un nom géologique plus qu’harmonieux, le Hrafuaga. Du naufragé blessé, longtemps malade, la fille du vieux Jorgen, Kœthe, aux cheveux couleur de miel, a pris de tendres soins, qui l’ont guéri. L’amour est né de cette cure. Aucun pasteur ne se trouvant à proximité, pour unir le pécheur de Paimpol et la petite Islandaise, il suffira de leurs sermens échangés devant le Hrafuaga, terrible, paraît-il, aux parjures. Le vieux Jorgen ajoute seulement à cette formalité sa bénédiction paternelle. Ainsi l’on nous a rapporté que, naguère, un illustre géographe, et qui n’était pas Islandais, avait coutume de procéder sans autre cérémonie à l’hymen de ses descendans.

Le sacrement n’eût pas été de trop pour défendre un bonheur aussi menacé. Le mal du pays ne tarda point à s’emparer de la mémoire de Tual, de son imagination, de son âme enfin, qu’il posséda peu à peu tout entière. Ni l’amour conjugal, ni la prompte espérance de l’amour paternel, ne purent triompher de l’autre, de l’invincible amour. Un jour enfin, ou plutôt une nuit. Tual apprit la présence, dans une baie voisine, des goélettes de Paimpol, et leur prochain départ. Alors, se dérobant aux bras de l’épouse endormie, il sella son cheval et prit la fuite. Pour arriver plus tôt, il ne craignit pas de se lancer, la croyant encore gelée par l’hiver, sur la surface du perfide Hrafuaga. Mais le printemps approchait, son premier souffle avait commencé de fondre la croûte de glace. Elle fléchit, et, sous les yeux de Kœthe et de son père accourus en hâte, l’abîme vengeur engloutit le cheval et le cavalier.

On le voit, ce n’est pas le genre enjoué, comme disait Molière. Mais, nous le disions plus haut, c’est le genre lyrique par excellence, où le dehors ne compte pas, où le dedans seul importe. Un seul épisode, la chevauchée finale, est extérieur, et n’y gagne rien. La musique en est un paroxysme qu’on voudrait plus court. L’action dramatique même, par sa durée aussi, manque à la vraisemblance. On ne saurait suivre si longtemps des yeux un cheval au galop. Pour le reste, ce poème est des plus favorables à la musique, ayant comme unique