Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

durch die Auen »), mais qu’elle ne sait que nommer. Même impression après la période agitée et tumultueuse de cet air, lorsque l’idée, ou plutôt l’image, l’image sonore d’Agathe ouvrant sa fenêtre, vient ramener un instant le calme dans l’âme inquiète du chasseur. L’effet n’est pas moindre, bien que résultant d’une moindre cause (exactement quatre notes) au début du grand air d’Agathe, de cet air où le détail pittoresque abonde au point d’en faire un poème descriptif autant qu’un poème du cœur. Il y a deux airs d’Agathe : celui dont nous parlons, qu’on pourrait appeler nocturne, et l’autre, matinal. « Rein und klar, pur et clair. » Il s’achève par ces deux mots, que la musique transfigure, qu’elle illumine et purifie encore. Les deux scènes, qui se passent également dans la chambre de la jeune fille, montrent, chacune en son genre, quelle est, sur la musique du Freischütz, et jusque sur les tableaux d’intérieur, l’influence du dehors ; combien les âmes dépendent ici de la nature, changeantes comme elle, et tour à tour avec elle orageuses et rassérénées.

Quand vient le dénouement heureux, la nature encore en ressent l’allégresse. Elle participe au cantique final. Comme le prince et comme l’ermite, j’allais dire : comme le pouvoir civil et le pouvoir religieux, il semble que les puissances naturelles veuillent aussi pardonner. Témoins de la hardiesse de Max et de son impiété, les bois, les rochers, le sont maintenant de son repentir et lui redeviennent amis. « Une voix est dans tout, un hymne sort du monde. » L’opéra de Weber se termine par un hymne de ce genre, universel, et qui jaillit des choses non moins que des cœurs. Au théâtre, avant le Freischütz, on n’avait encore entendu rien de pareil. Depuis, excepté le chœur, final aussi, de Guillaume Tell, apothéose à la fois pastorale et religieuse, il n’est pas sûr que rien de semblable ait été chanté.

Le romantisme du Freischütz est dans le sentiment de la nature, et de la nature bienveillante. Il est encore, et beaucoup plus, dans le sentiment, dans la sensation même de la nature devenue en quelque sorte surnaturelle, fantastique et terrible. Ce brusque revirement fait l’une des beautés, — innombrables, — de l’épisode fameux appelé tantôt la Fonte des balles et tantôt la Gorge au loup. Quelqu’un a dit, en termes pittoresques et justes, que c’est là de la musique à ne pas traverser la nuit. Toutes les puissances, tous les maléfices des ténèbres y sont en effet conjurés ; ils y sont représentés sous des formes, sous des figures sonores, dont on ne sait qu’admirer davantage, ou la valeur dramatique, ou la musicale, et rien que musicale, beauté. De celle-ci, tout était nouveau jadis. Après quatre-vingt-douze ans, tout