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de satire légère et de cocasserie. Il est fâcheux que la pièce dévie à partir du second acte et s’oriente vers le vaudeville de situation, intrigué, compliqué et laborieux. Comment Cermoise, craignant d’être trompé par sa femme, arrange-t-il les choses pour faire semblant de la tromper et avoir ainsi les « honneurs de la guerre ? » Ce serait assez difficile à conter et je craindrais de m’y embrouiller.

A citer surtout Mme Marie Magnier qui déploie dans le rôle de la marquise de Kersalec une verve extraordinaire, M. Lérand qui, dans le rôle à transformations du policier, a montré de remarquables ressources de pittoresque, et Mlle Simone Frévalles, charmante dans le rôle d’Huguette.


A l’Odéon, la Rue du Sentier, une pièce des plus honorables de MM. Pierre Decourcelle et André Maurel. On a souvent dit qu’il ne faut pas se marier hors de son monde : c’est une vérité toujours bonne à redire. Voici Julien Morisset, fils d’honnêtes commerçans de la rue du Sentier. Pourquoi va-t-il prendre pour femme Catherine Herbelin, élève du cours de déclamation Labourdette ? Dans ce milieu de négoce et de bourgeoisie, Catherine s’ennuiera et elle fera scandale. Et si un peintre, — un artiste comme elle, — l’invite à lui faire une petite visite dans son atelier, il est probable qu’elle ne résistera pas à la tentation. Tout cela, très bien raisonné, n’est pas très neuf. Mais attendez la suite. Le peintre chez qui Catherine est en maraude, reçoit un mot le prévenant que Julien va venir les surprendre : un bon averti en vaut deux. Il fait partir à temps Catherine. Il n’était que temps, en effet : surviennent Julien et Mme Morisset, la belle-mère. Qui donc avait prévenu l’amant ? Le mari. La situation est neuve, on ne saurait le contester. Dans une autre pièce et ailleurs qu’à l’Odéon, elle aurait fait sourire ou même rire. Mais ce n’est pas ici de la littérature frivole. La pièce est des plus sérieuses. Les personnages n’y ont que de bons sentimens, et n’y donnent que les meilleurs exemples. Si tous les maris suivaient cet exemple de s’annoncer eux-mêmes, cela éviterait bien des ennuis dont le constat de flagrant délit est parfois l’occasion.

La pièce de MM. Decourcelle et André Maurel a été écoutée avec beaucoup de déférence, et on a fort applaudi les excellens acteurs, surtout Mme Nory, charmante dans le rôle de Catherine.


RENE DOUMIC.