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un poète, si vous voulez, mais ce poète est un pleutre. Seulement, il ne faut pas nous placer au point de vue du monde : il ne faut voir dans l’amant que le pécheur et dans le pécheur que l’instant de la conversion : la grâce le cherchait et les voies du Seigneur sont mystérieuses. Car c’est ici du théâtre chrétien, et même du théâtre édifiant. Nous en avons été avertis par le prologue qui est en vers, en une pluie de petits vers nus comme ceux des Mystères qu’on jouait, aux époques de foi, devant les églises. La brebis égarée n’a plus qu’à rentrer dans le droit chemin. Par bonheur pour elle, et comme il arrive dans la plupart des cas, son mari vaut mieux que son amant. Elle revient au bercail ; elle retrouve sa place dans la maison conjugale, qui, par une attention délicate du mari, est une nouvelle maison : Paul a déménagé.

Cette plate aventure nous est servie sans ornemens. Toute l’originalité y consiste dans les fréquens baissers de rideau. Quelqu’un me dit : « Ne comprenez-vous pas que la scène, une fois le rideau baissé, se continue ? A vous de l’imaginer par vos propres moyens. L’auteur se borne à vous orienter par quelques brèves indications. Ces bribes dont est faite chaque scène, ce sont les lambeaux de phrases qu’on saisit en passant dans une pièce où les gens conversent sans se soucier de vous. Ainsi la réalité est saisie sur le vif, enregistrée comme au phonographe. » Je doute que ce système dramatique ait grandes chances de s’acclimater chez nous ou ailleurs. Et M. Francis Jammes est probablement du même avis, puisque sa pièce n’a été donnée qu’en représentations exceptionnelles. La simplicité est une belle chose, et M. Francis Jammes a bien raison de l’aimer ; mais il exagère.

Mlle Gladys Maxhence, MM. Dhurtal et Savoy ont joué la Brebis égarée comme il convenait, d’un air de dormeurs éveillés.


Au Vaudeville, une comédie très gaie de M. Maurice Hennequin, les Honneurs de la guerre, contient un très joli premier acte, qui est de véritable comédie de mœurs. Un M. de Cermoise, après avoir fait abondamment la fête, usé et fourbu, a songé à prendre ses invalides dans le mariage. il est allé chercher au fond de la Bretagne une épouse de tout repos. Est-il besoin de dire que la jeune Huguette, arrivant à Paris avec des énergies toutes neuves et de belles réserves de vitalité, entend mener cette grande vie que personnifiait à ses yeux ce mauvais sujet de Cermoise, et s’en donner jusque-là ? Donc, elle se lance dans le tourbillon où son mari a peine à la suivre. La situation est par elle-même assez amusante, mais ce qui en redouble la vertu comique, c’est le