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en 1733, à l’Allemagne où, durant les deux grandes guerres du règne de Louis XV, il franchira les grades jusqu’à commander en chef l’armée française, il illustre le nom en dix rencontres. La plus tragique fut, pour lui, la journée de Minden, le 1er avril 1759. Il y commande l’aile droite de l’armée. Tandis qu’il en dirige les mouvemens, il voit ses deux fils tomber sur le champ de bataille. Comme, au siècle précédent, son ancêtre Melchior, il ne saurait arrêter la bataille et, le cœur déchiré, il fait jusqu’au bout bravement son devoir. Ses fils ont disparu. Le père, le soir même, écrit à son troisième fils, le « petit abbé de Vogüé, » de quitter le séminaire pour venir prendre, au service du Roi, la place de ses deux frères tenus pour morts.

Ils ne l’étaient pas et en revinrent. L’abbé resta au séminaire. Lorsque, devenu évêque de Dijon, Mgr de Vogüé menait, entre ses livres et une aimable société, une vie élégante et facile, qui sait s’il ne regrettait point parfois la cuirasse qui avait failli si vite remplacer le petit collet et s’il n’eût pas donné sa crosse et sa mitre pour le cordon bleu que son père, en fin de carrière, devait décrocher à la pointe de l’épée ?


Je ne m’arrête point à ces derniers Vogüé d’ancien régime. Le lieutenant général de Vogüé, devenu gouverneur de Strasbourg, puis gouverneur de Provence, revêtu du cordon bleu et de l’ordre du Saint-Esprit, allait recevoir le bâton de maréchal quand il mourut en 1782.

Si, d’Alsace et de Provence, Charles n’avait cessé de revenir à Aubenas où, de Vogüé, la famille avait transporté, en des murs plus modernes, sa résidence nouvelle, à plus forte raison Cérice, sorti de l’armée avec le grade de maréchal de camp, avait-il repris sa place de grand propriétaire séant au centre de son domaine provincial. La Cour ne l’arracha pas à cette terre, mais c’est la confiance même des électeurs qui l’en éloigna en mai 1789.

Dès les premières heures de cette année fatidique, il avait, sans tomber dans l’utopie, envisagé qu’une ère nouvelle s’ouvrait. Dans les assemblées électorales du Bas-Vivarais, il avait, le premier, prononcé les paroles qu’attendaient d’un Vogüé ses amis des trois ordres. Après avoir déclaré, le 26 mars, dans l’assemblée de Villeneuve-de-Berg que la noblesse avait décidé de « supporter en parfaite égalité et chacun proportionnellement