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qui savait jusqu’à quel point l’amitié la plus étroite doit aller et qu’elle ne peut engager à rien faire contre son honneur ni contre l’exacte fidélité au Roi, répondit « qu’il se flattoit qu’il étoit persuadé qu’il sacrifieroit pour lui, avec le plus grand plaisir, et ses biens et sa vie, en toute autre occasion, mais que, voyant avec douleur que, sous de vains prétextes, il avoit pris un parti opposé à son devoir, il ne pouvoit en aucune façon suivre un exemple aussi funeste. »

Cette attitude, enleva à Montmorency foule de partisans. Vogüé ne marcha pas contre son malheureux ami, mais, intransigeant sur ces questions de loyalisme, il entendit que son fils participât, dans les troupes du Roi, à la répression qui, on le sait, se devait terminer par la mort de l’illustre rebelle.

En récompense de quoi, Richelieu, ayant prescrit de raser les donjons, le « châtelet » de Vogüé fut, en dépit des protestations de Melchior, compris dans la mesure. Qu’importaient la tyrannie et l’ingratitude d’un grand ministre ? C’était la majesté royale qu’il apercevait derrière la pourpre du Cardinal. Melchior se soumit, étant de ces âmes nobles que leurs propres querelles touchent moins que le souci intransigeant de l’honneur.


Une ère s’ouvrait cependant où, pour le plus grand dam du royaume, la noblesse s’allait laisser déraciner. Versailles se bâtirait où Louis XIV entendrait voir accourir sa bonne noblesse, ornement du trône.

Les Vogüé allaient-ils se laisser arracher à cette terre vivaroise qui, depuis des siècles, méritait leur amour et faisait leur force ? D’avance le lecteur hésite à le penser.

Ils restèrent, provinciaux. A la mort de son père, en 1643, Georges de Vogüé, encore qu’il eût gagné dans les armées le grade de mestre de camp, a remis l’épée au mur et s’est fait agriculteur. Il a envoyé son fils Melchior batailler, de 1656 à 1661, pour le Roi sous le marquis de la Fare en Italie, puis, pour le Roi encore, contre les corsaires barbaresques en 1664 ; il laisse son frère Charles, chevalier de Malte, partir sous Beaufort contre Candie où une balle turque le met à mal ; lui, cependant, se partage entre le domaine à gérer, les enfans à élever et sa nouvelle charge de bailli du Bas-Vivarais à administrer pour le plus grand bien du pays. C’est lui qui, en 1669, commencera