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de résurrection française ; l’épée à peine remise au fourreau, ils empoignaient le manche de la charrue.

Ils restaient cependant à tous égards fidèles. On le savait à Paris, témoin la touchante lettre que, lors des troubles de la minorité de Louis XIII, la Régente adressait à Melchior pour l’appeler à la défense du petit Roi. Le seigneur partit pour Paris où, après quinze jours de voyage (le temps qu’il faut pour aller aujourd’hui à l’autre bout du monde), il venait de s’installer dans la petite rue de Champfleury à l’ombre du Louvre royal, ce qui était symbolique. Il retrempa là (en était-il besoin ?) son dévouement, si bien que, revenu chez lui, il parut plus que jamais le champion né de la cause royale envers et contre tous.

II le montra bien en deux occasions.

La première lui fut fournie derechef par les protestans. En 1620, ceux de la vallée du Rhône se soulevaient. L’incendie pouvait gagner. Melchior se met à la tête du régiment de Rochecolombe, sous les ordres de Montmorency, gouverneur pour le Roi du Languedoc. Courant au secours de Montmorency en fort mauvais arroi devant Vallon, « M. de Rochecolombe » (ainsi qu’on l’appelle) rétablissait le combat par une audacieuse charge lorsqu’il aperçut son fils ainé Guillaume qui, atteint d’une balle en pleine poitrine, roulait de son cheval, mourant. On ne peut arrêter le mouvement. Melchior, sans s’arrêter lui-même, bouleversé cependant d’émotion, se penche, criant au mourant : « Mon fils ! pense à Dieu !... » puis, à ses soldats : « Ce n’est qu’un homme mort... Vengeons-le !... En avant ! » Une heure après, la journée gagnée, le seigneur de Vogüé, sur le corps de son premier né, fondait en larmes, « se consolant de sa perte, dit le chroniqueur contemporain, par la gloire d’une si belle mort. » Je connais peu de scènes qui vaillent celle où se révèle, dans ce gentilhomme du XVIIe siècle, l’âme d’un Spartiate avec la conscience d’un chrétien.

Marcher contre des factieux, ennemis de sa foi et du Roi, cela était peu de chose. Il était autrement dur de se prononcer contre un ami, jeté dans la rébellion par la dureté d’un grand ministre.

En 1632, Montmorency lève le drapeau de la révolte. Il donna rendez-vous près de Vogüé à la noblesse qu’il entendait entraîner, « II s’adressa d’abord à Melchior de Vogüé, raconte un chroniqueur qui est de la maison, mais cet homme vertueux et