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gardé entre le protestant Montmorency et le ligueur Joyeuse, qui dans la vallée du Rhône s’affrontaient, une certaine neutralité, il reprenait vigoureusement, en février 1587, Aubenas, un instant occupé par les huguenots. Mais dans la réunion de Vogüé, en janvier 1581, il avait de nouveau travaillé à l’accord, et il y travaillait encore quand Henri IV, porté au trône par l’assassinat de Henri III, vint en augmenter les chances.

Guillaume fut de ceux qui n’hésitèrent pas à reconnaître l’héritier légitime avec l’espoir qu’avant peu le Béarnais reviendrait à la religion de ses pères. De Rochecolombe où, le 1er octobre 1591, une conférence essayait encore de rétablir la concorde, aux Etats de Vivarais qui, en 1594, se déclaraient favorables à l’apaisement, Vogüé précédait le nouveau Roi. Le 27 juillet 1594, à Viviers, le vieux seigneur avait la satisfaction de voir l’accord enfin conclu. De quelle main joyeuse il dut apposer sa signature sous celle du représentant d’Henri IV, « récompense de trente-deux années de labeur assidu, » écrit son descendant. Beau, noble, fécond labeur qui, sans lui avoir fait un instant abandonner la défense de sa foi et le respect de l’autorité royale, avait constamment visé à réconcilier des Français dans une réciproque tolérance.


Melchior de Vogüé, son fils, devait bénéficier de ce labeur, La famille était aussi respectée du peuple que bien vue du Roi. En souvenir des services du vieux Guillaume disparu, Henri IV avait jeté sur les épaules du nouveau seigneur le collier de Saint-Michel, et tout le Vivarais s’en était réjoui. Melchior cependant s’était remis à l’administration du domaine. Henri restaurait la France : Melchior restaurait Vogüé. Il était décidément descendu de Rochecolombe et avait rétabli dans Vogüé la résidence habituelle du seigneur. Il était là au centre du domaine et en dirigeait l’exploitation. C’était à un de ces momens magnifiques où, après de grandes épreuves, on voit, dans notre prodigieuse histoire, la France renaître, plus belle, plus riche, plus forte que devant. Un voisin des Vogüé, Olivier de Serres enseignait aux Français le retour à la terre. Les Vogüé étaient trop foncièrement terriens pour avoir besoin de ses leçons : mais ils n’en participaient que plus allègrement au mouvement général