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Guillaume de Vogüé se substitua, dans ses cantons, à l’autorité royale absente. On s’entendit entre gentilshommes catholiques, en octobre 1562, pour organiser la résistance. Dès l’abord, Guillaume a sa politique. S’il s’est fermement prononcé pour les catholiques, il n’éprouve jamais devant les répressions et les représailles la sombre joie des fanatiques des deux camps. Son voisin, le baron des Adrets, terrorise les populations catholiques ; Vogüé doit avoir horreur de ce bourreau, mais il semble bien qu’il désapprouva ses émules catholiques. Son rêve est, puisque aussi bien le protestantisme s’est implanté, qu’on le laisse vivre, mais en le désarmant. En somme, vingt-cinq ans avant l’avènement du bon roi Henri, Guillaume de Vogüé pense à l’accord nécessaire, et c’est la connaissance de tels faits qui fait comprendre comment finalement put triompher le Béarnais. Il répondit aux vœux secrets de mille cœurs loyaux qu’éclairait une sage raison

Je ne saurais ici entrer dans le détail de la guerre qui, dans le Vivarais comme dans toute la France, fut plus souvent marquée d’escarmouches que de batailles. Guillaume batailla. Mais il négocia plus encore. C’est à force de tentatives conciliatrices qu’il aboutit à l’acte du 5 février 1576 qui pacifia un instant la province en reconnaissant le principe de la dualité.

L’accord auquel Guillaume avait travaillé était prématuré. Peu pratique par certains côtés, il demandait, en tout cas, pour durer, un esprit de conciliation qui n’était guère dans les cœurs. Il n’en va pas moins que la tentative est intéressante, indice de cette mentalité qui, rare encore en 1576, va gagner tant de cerveaux, que, vingt-cinq ans après, on la verra courir des pages de la Satire Ménippée aux édits d’un roi de France.

Telle mentalité disposait peu, on en conviendra, Guillaume à subir ce qu’un vieil historien appelait « l’esprit de la Ligue. » La Ligue, qui se justifie par certains côtés, n’était, après quelques années d’existence, qu’une nouvelle machine de guerre, montée cette fois dans le camp catholique, contre le trône de France. Vogüé n’avait pas attendu que ce caractère éclatât pour le pénétrer. C’étaient des factieux qu’il avait combattus dans les huguenots, ce n’était point pour s’enrôler parmi d’autres factieux.

En attendant que triomphât la politique d’apaisement, il continua à y travailler. Tolérance ne doit cependant jamais être synonyme de faiblesse ; Vogüé le montra bien quand, ayant