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général de Vogüé, Dumouriez écrira que ce soldat sut « ne se jamais mêler aux cabales. » Il était dans la tradition de la maison qui, se garant des « cabales, » s’était élevée sans brigues et avait vécu sans autre passion qu’un dévouement éclairé à la France.

Spectacle réconfortant que celui-là. M. de Vogüé a bien fait de le mettre sous nos yeux. « Notre histoire, écrit-il, n’a rien d’exceptionnel : c’est celle de cent familles nées sur le sol des anciennes provinces, y grandissant par les voies normales, y collaborant modestement, avec des chances diverses, au long enfantement de la patrie française. » L’historien dit vrai : s’il y a assurément quelque chose d’exceptionnel dans la continuité même de cette traditionnelle collaboration, il est bien certain que dans toutes les provinces de telles familles existèrent. Leur histoire éclaire celle de la France et explique la fortune singulière de la dynastie. On se demande comment dix fois celle-ci ne succomba point avec le pays dans les convulsions politiques qui, du XIIIe au XVIIe siècle, semblèrent menacer l’un et l’autre. C’était parce qu’il y avait, dans le royaume, des hommes à la mode de Vogüé.

Et c’est l’intérêt de ce livre.


Le coin de province où s’éleva la maison, le Vivarais offre à ses habitans un ciel tempéré et un sol encourageant. Cette terre heureuse et ce climat modéré conseillent la modération, tout en récompensant le travail. Les Vogüé sont les hommes de cette terre. Ils la représentent. Elle les a façonnés.

Le bourg de Vogorium, — le Vogüé d’aujourd’hui, — s’était bâti sur la voie romaine qui, venant de la vallée du Rhône, s’acheminait vers les Cévennes. Très anciennement des seigneurs y élevèrent leur tour, — peut-être à l’époque où les partages de l’Empire Carolingien mettaient momentanément et fort bizarrement ces pays celto-latins sous la suzeraineté du Saint-Empire et où l’instauration lente du régime féodal faisait, d’autre part, de l’évêque de Viviers, le suzerain plus immédiat de cette petite province.

Ce n’est cependant qu’en 1084 qu’un acte de donation signale l’existence de Bertrand de Vogüé et de sa femme Bertrande. En 1206, un second acte nous montre quatre co-seigneurs de Vogüé prêtant serment pour le fief indivis (suivant l’usage de l’époque) à