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d’un si érudit archéologue pour ressusciter des ruines vivaroises la famille qui, de ses cantons ardéchois, est venue de si bonne heure à la France, — pour le plus grand profit du pays.


Venue à la France, ai-je écrit. Le Vivarais, comme toute la vallée du Rhône, était en effet encore au début du XIIIe siècle, sous la suzeraineté, à la vérité abusive et nominale, du Saint-Empire, et ce sera précisément un Vogüé, évêque et comte de Viviers qui, du vivant du saint roi Louis, rompra avec l’empereur Hohenstaufen pour « aller à France » et y entraîner sa province. Dès lors les Vogüé qui se sont donnés ne se reprendront point. Ils seront, entre Provence et Languedoc, parmi les meilleurs défenseurs de cette France alors incarnée dans le roi capétien. Ils serviront roi et pays de toutes les façons. Envoyant aux armées leurs fils et s’y rendant eux-mêmes, ils fourniront au pays des soldats solides et vaillans ; mais, plus utilement encore, ils serviront le Roi chez eux.

Ce qui en effet les distinguera, c’est que ce seront essentiellement des terriens enracinés. Arrondissant le domaine, ils paraissent l’avoir amoureusement fait valoir. Ils aimeront tous cette terre où sont leurs racines et d’où seule la Révolution les pourra déraciner. Chefs d’un domaine rural tous les jours agrandi, ils demanderont à la terre de les payer de leur amour : elle les paiera non seulement de biens, mais de vertus utiles. La terre donne la force et conseille la raison : les Vogüé seront une race forte et raisonnable. Et cela déjà est merveilleux. La raison qu’ils puisaient dans le contact de leur terre et de leurs tenanciers leur prêchait d’autre part la tolérance. Nous verrons qu’à l’heure où la nation se divisera, au XVIe siècle, un Vogüé, tout naturellement, s’assignera la tâche de pacifier les esprits, et, tout en restant immuablement fidèle à sa foi et à son roi, d’accorder les âmes. Et comme, dès le XIIIe siècle, cet esprit de sagesse les distinguait, ils avaient gagné les cœurs et conquis l’influence qu’assure une bonté sans faiblesse.

Cette influence, les Vogüé la mettront au service du roi lointain. Un loyalisme instinctif, — c’est un des traits qui m’ont le plus vivement frappé, — leur fera toujours discerner, au milieu des crises les plus affolantes, où est le parti de France. D’ailleurs aucune ambition, aucune tentation d’intriguer. Du lieutenant