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risquent d’alanguir, dans leurs germes, bien des talens qu’un long effort eût développés.

Mais telle n’est point, ici, la question. Il ne saurait venir à la pensée de personne, aujourd’hui, de fermer le Grand Palais à un seul artiste, ni de réserver à une société, fùt-elle l’Institut, le monopole des expositions publiques, officielles, prébendées par l’État. Tout citoyen français a le droit de peindre, d’exposer, voire de remplacer le dessin, la couleur, les idées, l’originalité, par des théories sur sa « conscience, » sur la « matière, » sur le « volume, » d’être « cubiste, » « futuriste, » et d’écarter ainsi, du Salon, par le formidable ennui qu’il dégage, les fervens, les naïfs amis de la Nature et de l’Art. On ne voit même pas clairement, au nom de quoi les jurys des Salons actuels décident l’exclusion de certaines œuvres, ni pourquoi l’on relègue, sous les tentes du bord de la Seine, l’Exposition des Indépendans... Du moment qu’un jury juge et choisit, il est exposé à l’erreur. Le jury d’un Salon fermé en ferait donc, comme les autres. Il faudrait, seulement, que ce jugement et ce choix fussent assez sévères pour que le public reprit quelque confiance dans la sélection ainsi opérée. Donc, un Salon sans jury, où l’on recevrait tout, — comme en 1848, — et où les places seraient tirées au sort. Puis, à côté, un Salon fermé, se recrutant lui-même, où l’on accepterait mille ou douze cents toiles, tout au plus : voilà la solution. Je ne dis pas qu’elle soit possible : je dis qu’elle est nécessaire.


ROBERT DE LA SIZERANNE.