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ils ont peint la nuit, c’est-à-dire quel est au juste le pays qu’on ne voit pas dans leur tableau : c’est beaucoup de conscience. Mais en réalité, c’est une impression qu’ils ont peinte : l’impression ressentie par le poète :


... Quum medio volvuntur sidera lapsu,
Quum tacet omnis ayer...


c’est-à-dire, où que ce soit, le Portrait de la Nuit.

Quelques paysagistes demeurent qui ne concentrent pas leur talent sur une seule impression : ils sont très rares, du moins parmi ceux qui rendent justice à la nature. Ce sont M. Olive, dans ses bords de la Côte d’Azur (Var) ; M. Gagliardini dans son Vieux Pays, M. Ponchin dans son Anse des Baumelles, puis les Vénitiens : M. Alfred Smith avec ses six vues de Venise, M. Gabriel qui en a exposé autant, M. Iwill, M. Abel Truchet, M. Allègre, M. Bouchor, M. Saint-Germier. Enfin, un maitre des paysages du Nord, le Van Goyen de notre temps, venu pour la première fois en Provence, M. Braquaval, qui a porté, dans l’étude du Marché à Draguignan et des Arènes d’Arles, les fines qualités d’analyse acquises autrefois sous les ciels nuancés de la Baie de la Somme. Si l’on ajoute à ces pages, déjà nombreuses, les envois de M. Dauchez et de M. Cottet, avenue d’Antin, et un excellent effet de Lumière sur les Dunes du Pas de Calais, c’est-à-dire une éclipse de soleil, des nuages qui passent, tout frisés de lueurs, par M. Hugues Stanton, aux Champs-Elysées, on aura, je crois, à peu près épuisé l’intérêt de ces traductions de la Nature, — et l’on pourra fermer le volume.

Les sculpteurs, eux aussi, ont, semble-t-il, une ambition nouvelle. Ils s’orientent, de plus en plus, vers la décoration des jardins. On s’est avisé, enfin, que nos places publiques étaient suffisamment pourvues de grands hommes et qu’il n’y avait plus guère, dans nos villes, un « refuge » inoccupé. On se tourne donc vers les parcs et les fontaines, et l’on imagine des figures propres à les animer. Ce sont, — est-il besoin de le dire ? — des figures antiques. Dès que le statuaire n’est plus guindé par un système esthétique, ni lié par une commande, il revient naturellement à la beauté plastique, au nu, aux gestes gracieux et nobles, aux Amours, aux Nymphes, aux Faunes, à ce que M. Henri de Régnier appelle : les Jeux rustiques et divins. C’est le titre qu’on pourrait donner à un groupe en plâtre, qui n’en a