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silence où l’homme moderne, plus que tout autre, a besoin d’aller quelquefois puiser.

Une autre leçon de lumière et de silence, avec le froid du tombeau, nous est donnée par M. Communal, le peintre de la Savoie. Si mal placé et mal entouré que soit son tableau. Cirque et glacier des Evettes, aux Champs-Elysées, salle 43, on est saisi par sa puissante beauté pour peu qu’on l’isole, par la pensée, et qu’on s’y attache un instant. Lui aussi, M. Communal exprime une impression unique : celle qu’on ressent dans la haute montagne, auprès des eaux rassemblées au creux du roc, devant les torrens immobiles du glacier et les neiges éparses dans les anfractuosités mal visitées par le soleil. C’est l’insensible beauté de la nature inféconde, abrupte et vide, sans un arbre, sans un sillon, sans une fleur, au-dessus de tout, détachée de tout, étincelante et dure comme un diadème.

Voilà des exemples. Mais ce qui prouve, mieux que tout le reste, la tendance à oublier les objets mêmes qui sont dans un paysage pour ne rendre que l’impression produite, c’est le goût des effets de nuit. Déjà signalé, ici même, il y a plusieurs années, il ne fait, chaque année, que s’accentuer davantage. Et ce sont les meilleurs maîtres qui le manifestent. C’est M. Le Sidaner, qui expose une Nuit sur la mer et un Clair de lune. C’est M. Louis Picard, qui montre Un Phare en Bretagne, phare allumé en pleine nuit et une Marine, qui est un effet produit par un autre phare, la lune, émergeant des nuages. C’est M. Muenier, qui étudie Fribourg, la nuit, sous le titre Nocturne. C’est M. Meslé, qui montre des paysages de Champagne vus la nuit, notamment Le Coteau, lever de lune. C’est M. Auburtin qui, lui aussi, peint son Nocturne. C’est une épidémie... Car il faut encore citer M. Dagnac-Rivière et son Clair de lune à Venise, M. Guignard et son Clair de lune dans les landes de Gascogne, M. Chudant avec ses deux Soirs de lune, au château et au pont de Buthiers, M. Guarro et sa Nuit d’été, M. Schofield et son Shadowland, M. Bastien-Lepage et son Parc Monceau la nuit, M. Moisset et son Soir, M. Andreau et sa Rue au clair de lune, M. Davis et sa Nuit tombante, M. Courant et son Quai de Nieuport au crépuscule, enfin, M. Cachoud, qui est un vétéran parmi les chevaliers de la lune, et qui expose, aux Champs-Elysées, Montbel (Savoie) à la lune d’octobre et l’Auberge du Platane (Savoie) nuit de lune. Ces artistes prennent la peine de dire où