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aux environs de 1880, nous sommes en 1913. Seul, M. Bonnat est resté aussi jeune et son talent aussi sûr.

De plus jeunes sont loin d’avoir cette sûreté ou cette égalité dans le travail, et le groupe de portraits qu’expose M. Gabriel Ferrier, par exemple, ne peut être comparé à ses anciennes effigies du général André, de M. Ribot ou de M. Aynard. M. Boldini a donné, maintes et maintes fois, des preuves d’un rare talent que nul ne s’aviserait de lui supposer, à ne voir que ses envois de cette année. D’autres, au contraire, semblent se renouveler, sans faiblir, comme M. Ferdinand Humbert dans son Portrait de Mlle Geneviève Dehelly. D’autres, enfin, progressent visiblement, comme M. Raymond Woog dans son Portrait de Mlle Edith B. G. : une petite fille, que son chien, un skye, regarde attentivement et admire, il faut l’espérer, car elle est peinte à merveille dans des tons fins, qui modulent très doucement. Parmi les portraits de femmes, on fait halte, un instant, devant celui de Mme Deschamps par M. Laszlo et celui que Mme Cecilia Beaux appelle Portrait (Femme et chien), avenue d’Antin ; devant le Portrait de Mme Pearman, par M. Spencer Watson, celui de Mme B. de S., par M. Roybet et celui de la Comtesse des I..., par M. Paul Chabas, aux Champs-Élysées. Parmi les portraits d’hommes, on regarde aussi, un peu plus longtemps que les autres, le Portrait de M. de L... par M. Dawant, celui de M. Alapetite, par M. Patricot, celui de M. Iswolsky, par Mme Cotton. Aucun d’eux ne révèle chez son auteur ni une psychologie très pénétrante, ni un métier très supérieur. Mais ce sont des ouvrages faits de main d’ouvrier. Ils reposent et dédommagent des grandes toiles vides et des prétentions décoratives injustifiées.

Toutefois, le vrai repos, dans ces Salons, surtout dans le Salon de l’avenue d’Antin, c’est le Paysage. L’orientation nouvelle de nos jeunes paysagistes, déjà signalée ici en plusieurs circonstances, se poursuit et devient de plus en plus sensible chez de plus en plus de jeunes peintres : c’est l’unité d’impression dans le motif ou, au moins, dans la manière dont le motif est rendu. Si l’on compare leurs toiles à celles des maîtres de Barbizon, celles de la Salle Thomy Thiery, au Louvre, par exemple, ou de la salle du XIXe siècle, on saisit tout de suite la différence. Les paysagistes anciens cherchaient à rendre toutes les impressions qu’ils avaient en face de la nature : je veux dire