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existe dans l’Église, comment ne pas croire que Dieu ne l’envoie d’abord « à ceux qui ont reçu le sacerdoce ? » Et n’est-il point plus sûr de s’en rapporter au corps des pasteurs « qu’aux conventicules privés, » à l’ensemble, qu’à un seul ou quelques-uns ? Autorité nécessaire et bienfaisante. Puisqu’il vient une heure, en effet, où « il faut mettre fin aux disputes, » constater, consacrer, imposer la tradition. Cette légitimité d’un pouvoir modérateur entraîne la nécessité de l’obéissance. « Ce qui a été transmis par l’assentiment général des docteurs orthodoxes, ce qui a été défini clairement par l’Église ne doit plus être discuté, mais cru. » L’unité du christianisme est à ce prix.

Voici donc enfin l’Église, telle que la tradition l’a consacrée, telle qu’Érasme la conçoit, au-dessus des factions ou des écoles, des opinions ou des systèmes, d’Augustin ou de Scot, de Wittenberg ou de Rome, société vraiment universelle, dont les frontières larges et souples encadrent les vies, les doctrines, les traditions, les individus ou les peuples, une et multiple à la fois, immuable et mobile, dans la fécondité inépuisable de ses grands hommes, de ses saints, corps vivant qui plonge dans le passé, sans s’y enfermer, s’adapte à l’avenir, sans se déformer, comme l’embryon qui nait, grandit, évolue, dans l’identité de sa nature et de sa structure. Elle se développe dans sa foi, dans ses institutions, dans ses rites, toujours en progrès, toujours en marche, éternelle voyageuse qui garde le meilleur de ce vêtement des siècles dont elle se couvre. Et vouloir la ramener à ses origines, sectionner son histoire, ne serait point douter seulement de l’assistance du fondateur, mais « faire revenir l’adulte à son berceau. » — « Le temps apporte bien des choses avec lui : il en change beaucoup d’autres. Autrefois la petite communauté chrétienne se réunissait dans des réunions privées : maintenant la foule des fidèles s’assemble dans un temple public... Autrefois, dans l’assemblée des frères, celui-ci chantait un hymne, cet autre, un psaume ; celui-là parlait en plusieurs langues, cet autre en prophéties. Maintenant quelques-uns seuls ont un rôle fixé d’avance... Autrefois les évêques étaient créés par le suffrage du peuple. Les abus ont amené à confier à quelques hommes le soin de les élire. Pendant quelques siècles, il a paru abominable aux chrétiens de voir dans leurs temples des statues ou des images... Maintenant l’usage de ces symboles s’est tellement accru que le nombre n’en est point seulement excessif, mais que le sujet