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cette terre, obscurcie encore par les ténèbres et par le mal, l’homme pleure sa servitude, et comme lui, avec lui, « le monde gémit et appelle dans son enfantement le terme de ses douleurs. » Regardons maintenant ; il semble qu’une attraction irrésistible soulève les choses comme les âmes. La nature est en travail, poussée par un immense, un invincible effort. Que veut-elle ?... Comme l’histoire, comme la vie, se dégager de la nécessité qui nous accable. L’univers aspire vers « le meilleur, » et dans cette ascension qui est sa loi, il sera un, il sera libre, le jour où toutes choses consommées par le Christ, totalité de l’idée et totalité de l’être, « la liberté parfaite sera, dans les cieux renouvelés, l’apanage des fils de Dieu. »


IV

Le christianisme véritable n’est pas seulement universel : il est un. Une seule foi, une seule vie, une seule Église. — Mais à quels signes se reconnaît, de quels élémens se constitue cette unité ?

Ce principe qu’il cherche, où l’évangélisme érasmien le trouverait-il d’abord, sinon dans la personne même de Jésus ? « Le Christ est commun à tous. » Historiquement, il a pu rapprocher les deux grandes familles religieuses du passé : celle de la sagesse et celle de la Loi, les Gentils et les Juifs. Idéalement, c’est encore lui qui assemble, dans l’unité de son être, ceux qui croient à sa parole. Ce Christ, personnel et vivant, l’Evangile nous le découvre. « Lis l’Evangile, tu touches Jésus. » Voici bien dans le rayonnement de cette personnalité incommensurable, divine, la vie qui, nous unissant à Dieu, nous unit par surcroit les uns aux autres. Et du même coup, voici l’Église, « corps mystique » du Christ, qui apparait.

Société éternelle et spirituelle des âmes, l’Église ne repose donc point sur les moyens extérieurs et temporels, rites, cérémonies, lois, gouvernemens, tout ce qui crée les sociétés humaines, mais change et périt avec elles. L’unité apparente est fragile, si elle n’est supportée, vivifiée par l’unité intérieure. La pierre angulaire, c’est la foi. Or seul, l’Évangile, commun à tous, rendra la foi commune à tous. Nous sommes au point initial de l’Évangélisme. Ainsi, en dépit même du schisme, de l’abus que les Luthériens vont faire de l’Évangile, des dissidences et