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conteste pas les rapprochemens, mais du même coup, aussi, il marque les distances. Il sait ce qu’il veut et où il va ; ce qui est intangible, ce qui est révisable. Épurer la théologie, c’est classer simplement ses ordres de concepts. Vérités dogmatiques, vérités théologiques, certaines ou probables, simples « opinions : » les voici dans leurs degrés de certitude. Si les premières s’imposent à tous et ne peuvent être discutées de personne, si l’Église, mais l’Église seule, a le droit de formuler, et en nombre restreint, les secondes, dans le dernier domaine, une seule chose est possible : la liberté. Il faut surtout que les théologiens se guérissent de cette maladie qui leur est propre, celle de définir. Opinions, que les systèmes de saint Augustin, de saint Thomas, d’Occam, sur les rapports de la liberté humaine et de la grâce ; opinion, que la doctrine de Luther lui-même sur la justification... Sacrifierons-nous l’unité de l’Église à ces querelles ? Les écoles proposent, l’Église impose : elles cherchent, l’Église conclut : elles expliquent, l’Église formule. Point d’articles nouveaux ajoutés à la croyance générale et publique, en dehors des vérités nécessaires à notre sanctification.

Épurer la religion, ce n’est point détruire les moyens extérieurs que l’Église nous procure, c’est les ramener à leur rang et leur donner leur véritable sens. Observances, cérémonies, règlemens ecclésiastiques, n’ont point par eux-mêmes une valeur propre. Y mettre l’idéal de la vie chrétienne, c’est la « judaïser. » Et décidément aussi, il y en a trop. La croyance en leur efficacité en a multiplié le nombre. Le peuple en est-il plus religieux et plus moral ? Excessif le nombre des fêtes, elles ne sont trop souvent qu’une école de jeu, de paresse et de débauche. Excessif le nombre des indulgences et des pardons. Il est devenu un trafic, un pillage éhonté, un tribut sur le repentir : « On vend la rémission du Purgatoire : on ne la vend point seulement à qui l’achète, on l’impose à qui la refuse. » Excessif, l’accroissement prodigieux des dévotions et des cultes particuliers. On n’invoque plus seulement le Christ, mais « des parties de son corps : » la Vierge et les saints, mais « les reliques les plus fabuleuses. » Excessifs, les jours de jeûne ou d’abstinence. « On arrive à ne plus savoir que manger une partie de l’année... » Les œufs sont-ils permis ? Le lait est-il défendu ? Et à qui profitent les dispenses ? « Si un édit ordonnait que les riches vécussent, en ces jours, frugalement, et que leur superflu fût donné aux pauvres.