Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

textes épurés, une traduction plus exacte, des commentaires plus riches, empruntés à l’histoire ou aux Pères, bref, une contribution d’historien et de philologue aux sciences sacrées. « Je me suis uniquement appliqué, dit notre érudit, à mettre au jour de très anciens auteurs et à corriger ceux dont le texte est corrompu. » De quoi donc l’orthodoxie s’effrayerait-elle ? Rétablir le contact de la théologie avec l’hébreu et le grec, lui ouvrir d’autres horizons que la pensée du moyen âge, est-ce l’altérer, ou, au contraire, l’universaliser et l’enrichir ? A tout prendre, l’exégèse ne propose pas un système, mais une méthode.

Une méthode ? N’est-ce que cela en vérité ? Et qui n’en mesure les conséquences ? Quelque soin que prenne l’auteur à se défendre de toute attaque, à ne proscrire que les abus de la scolastique, les arguties et les « sophismes, » c’est en réalité, avec la dialectique, l’édifice construit par elle qui tombe à terre. Ce sont, mises à part dans la spéculation, toutes les vérités qui n’ont point de fondement solide dans l’Écriture ou de relation directe avec notre âme ; vérités « inutiles, » qui peuvent être l’aliment des discussions d’école, non de la vraie religion et de la piété chrétienne. Ramenée à l’exégèse et aux problèmes moraux, la théologie se détournera « des causes premières et des substances, » vers cette réalité vécue qu’est l’histoire, vers cette réalité vivante qu’est l’âme humaine. Elle renoncera à explorer le mystère de l’être de Dieu, pour s’incliner vers le problème de ses rapports avec l’homme ; elle descendra de l’abstrait pour s’installer dans la vie. Voilà donc limité le domaine propre de la science religieuse. — Et n’est-ce que cela encore ? Dans ce domaine, c’est le cercle des définitions strictes et des croyances nécessaires qui se rétrécit. Il n’était pas indifférent de remettre la spéculation en contact avec les Pères. Un Origène, un saint Jérôme étaient pour elle des maîtres autrement libres, autrement hardis que ces « modernes » qu’elle s’était habituée à suivre aveuglément. On avait pu voir ce que Luther avait tiré de l’augustinisme. Les Annotations allaient montrer à leur tour comment les grands exégètes des premiers siècles avaient interprété les Évangiles. Que l’on compare donc les deux théologies ! Comment ne pas remarquer la part d’idées, de « vérités théologiques, » d’opinions humaines, incorporées au dogme, de prescriptions ajoutées aux préceptes, sans nécessité évidente et sans profit pour le salut ?