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érasmien. En 1524, ce sont les Colloques qui, sous une forme mordante, vont livrer au ridicule les défenseurs attardés et obstinés des vieux usages. Vendeurs de pardon et trafiquans de miracles, théologastres ignorans qui déclament contre la science, moines corrompus qui matérialisent la dévotion, prêtres à l’affût de bénéfices, pharisiens des observances qui ne craignent point d’offenser Dieu, mais ne sauraient omettre la syllabe d’une prière ou la formule d’un rite, voici de nouveau toutes les sottises, toutes les superstitions, tous les judaïsmes dénoncés, flétris, flagellés par l’implacable ironiste. Ces traits ramassés dans les Colloques, nous les retrouvons épars dans ses autres œuvres : les lettres, les polémiques, les commentaires. La gravité tragique des événemens n’enlève rien à sa verve. On comprend les colères que devaient éveiller pareilles attaques. Imprudences souvent stériles d’ailleurs, et qui donnèrent plus d’une fois aux ennemis d’Érasme les argumens qu’ils cherchaient pour l’accuser d’être luthérien.

Heureusement, il y a autre chose dans cette œuvre critique. N’eût-il fait que railler les abus, l’érasmianisme n’eût guère été qu’une négation. Mais les textes qu’il publie, les méthodes qu’il applique, contiennent une doctrine autrement féconde, celle qui va conduire à une analyse plus complète, plus rigoureuse des élémens dont la pensée, les institutions, la vie chrétienne sont constituées.

Nous en connaissons le point de départ. Restaurer l’Écriture et les Pères… Effort immense, qui prépare tous les autres et sans lequel nulle réforme, nul progrès ne sont possibles. De cette maxime fondamentale vont naitre les grands travaux qui, depuis 1516, se succèdent sans relâche. L’Écriture d’abord ! En 1516, Érasme avait publié, sur les manuscrits grecs, la révision, la traduction latine du Nouveau Testament. Une seconde édition paraît en 1518 ; une troisième en 1521, une quatrième en 1524. Revoyant sans cesse son travail, consultant de nouveaux manuscrits, fouillant partout, à Bâle, à Constance, à Bruges, à Strasbourg, appelant de lui-même les critiques des théologiens, amis ou adversaires, comme Fisher, Biard, Le Masson, Érasme se flattait de donner une édition définitive. On sait l’influence prodigieuse qu’exerça cette publication. En 1518, elle s’enrichit des Adnotationes, expliquant le texte sacré à l’aide de la grammaire et des anciens commentateurs, comme Origène, saint