Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, pour en montrer l’universelle vérité, lui incorpore l’esprit humain.


II

Pour prendre position, le grand lettré n’a qu’à rester fidèle à lui-même. Si, déjà, il regrette des écarts de pensée et de style qui, en 1511, n’offraient aucun danger et dont la Cour romaine donnait d’ailleurs l’exemple, tout au moins il ne désavoue en rien, ni son idéal religieux, ni ses méthodes intellectuelles. Il s’honore au contraire de cette unité qui rattache son âge mûr à sa jeunesse, ses travaux de 1520 aux Adages et à l’Enchiridion. « Personne, écrit-il alors, ne pourra jamais m’opposer une seule assertion dans laquelle je me montre contraire à moi-même. J’écris ce que j’écrivais autrefois. » Et à Luther dont il relève les contradictions, il peut déclarer fièrement : « J’ai toujours écrit, toujours dit, toujours pensé les mêmes choses. » Ainsi, du terrain qu’il a choisi, où il se meut, rien ne le fera dévier, ni la révolution qui se déchaîne, ni la réaction qui s’enhardit. Son aversion pour les moines et l’Ecole ne l’a point jeté dans le parti luthérien ; sa rupture avec Luther ne le rapprochera pas davantage de l’École et des moines. Injures, soupçons, attaques passent sur lui, non sans l’émouvoir, mais sans l’ébranler. Et ce qu’il veut, ce qu’il défend toujours, comme jadis, c’est l’idéal que ses amis et lui-même ont formulé avant Luther, le principe initial de l’Évangélisme : le retour à l’Évangile. Il dira avec énergie, en 1522 : « Il faut restaurer le royaume de Dieu, c’est-à-dire la doctrine évangélique. » Par là, il n’entend point une forme nouvelle d’Église ni de croyance, mais un rajeunissement de la croyance comme de l’Église, par un accord entre la foi et la culture, l’autorité et la liberté, les idées de tradition et de réforme.

Œuvre critique surtout. Elle consiste, en premier lieu, à épurer la religion des abus séculaires : abus de la pensée, de l’autoritarisme ou de la piété. On sait comment, depuis vingt ans, les humanistes s’étaient acquittés de la tâche. L’ironie cinglante de la Folie ou de l’Enchiridion avait plus contribué que de lourds traités à discréditer la vieille théologie. A l’âpreté de ces attaques ou des satires, la révolution religieuse ne retranche rien. La Méthode parue en 1519 avait résumé les griefs de l’évangélisme