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ÉRASME

L’ÉVANGÉLISME CATHOLIQUE

L’ébranlement causé par Luther ne se propageait point dans des sphères sereines. Dès la fin du XVe siècle, en Allemagne, en Italie, en Angleterre, comme en France, s’était éveillé un désir ardent de rénovation religieuse et de réformes. L’humanisme chrétien avait répondu à ces aspirations. Avant Luther, Erasme et Lefèvre avaient parlé. Hors de Wittenberg, et au sein même du catholicisme, s’était produit un mouvement doctrinal beaucoup plus dirigé contre une théologie que contre le dogme, les méthodes de l’école que les pratiques ou les formules de la foi. Le retour à l’antiquité chrétienne, à l’Écriture et aux Pères, un christianisme plus spirituel, une Église plus libre, telles étaient ces tendances qui avaient constitué l’Évangélisme. Courant profond et large, dont Luther s’était servi, qui le portait, qui s’enflait à sa voix. Mais à mesure que déviait le flot, se brisait son unité. Les élémens divers qui l’avaient formé, allaient cesser de se confondre. A la rupture avec Rome, répond une autre rupture, tout intérieure, celle du Réformisme. Derrière Luther un évangélisme révolutionnaire, une théologie qui se sépare de l’Église établie ; derrière Érasme et Lefèvre, un évangélisme modéré, intellectualiste ou mystique, qui, fidèle à ses origines, s’efforce de concilier, non de détruire, et rêve, dans le catholicisme, d’un esprit nouveau du catholicisme, laissant debout sa structure historique et son gouvernement.