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— Nous avons tous été atterrés, a ajouté la princesse ; mais il fallait se contenir pendant la séance ; nous y avons réussi ; en revanche, une fois dans la voiture, nos larmes ont coulé ; elles coulent encore !...

Madame m’a exprimé aussi son admiration pour le Roi, pour son courage et le désir qu’elle a qu’on trouve l’auteur d’un crime aussi affreux, afin de pouvoir le punir. C’est de toute nécessité et surtout dans ce pays-ci.

Les ministres qui, dans la Chambre, ne savaient rien de l’événement, ont regretté que le Roi dans son discours n’en ait pas parlé ; je trouve que le Roi a eu parfaitement raison ; on n’aurait pas manqué de dire qu’il se servait de ce moyen pour faire effet, pour provoquer des applaudissemens. Madame Adélaïde m’a dit aussi qu’elle avait remarqué dans la foule, un peu avant l’attentat, des gens d’un aspect sinistre, et qu’elle y avait rendu la Reine attentive.

Le maréchal Soult disait hier pendant le Cercle :

— Tout ce que cet événement nous prouve, c’est que nous avons passé de l’époque des émeutes à celle des assassinats.

Ce n’est pas bien consolant pour la famille royale. Les ministres, le Roi sauvé, sont enchantés d’un événement dont ils comptent tirer tout le parti possible pour dompter l’opposition, pour se raffermir au pouvoir. Ils en ont grand besoin, car le déficit de près de 200 millions de l’année dernière et un budget peut-être encore augmenté pour l’année 1833 ne seront pas chose facile à faire digérer par la Chambre.

La première chose que la Reine a faite, au retour au château, a été d’écrire à ses fils, en ce moment en Belgique, et à la reine des Belges, pour les rassurer. Le Roi et les autres membres de la famille royale ont chacun ajouté quelques lignes de leur main à l’épitre de la Reine.

Le Roi nous a dit hier qu’il avait fait pratiquer un escalier dans le château de Blaye pour permettre à Madame la Duchesse de Berry de communiquer de ses appartemens avec un très joli jardin qui se trouve dans l’enceinte des murs du château et qu’il espère pouvoir bientôt trouver le moyen de lui faire rejoindre sa famille à Prague.


COMTE RODOLPHE APPONYI.