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ne pourra jamais se défaire et qui gâte tout l’effet que produiraient sans cela ses grandes qualités, telles que son courage, son dévouement à ses amis et à la cause de Henri V. Dans ses courses, elle s’est oubliée, dit-on, un peu trop souvent ; on prétend même que la grande intimité avec les hommes, qu’exigeait souvent sa position critique, est devenue encore plus intime que le cas ne le nécessitait et qu’il en est résulté un inconvénient qui serait fort à regretter en ce moment, puisque, s’il transpirait dans le public, il deviendrait nuisible à la cause du fils en ce qu’il jetterait au moins du ridicule sur la mère.


21 novembre. — Avant-hier, nous avons eu l’ouverture des Chambres. S’il n’y a pas eu d’émeute, il y a eu tentative d’assassinat contre le Roi[1]. Le Constitutionnel du 20 et le National d’aujourd’hui contiennent les détails de l’événement et le discours du trône. Ce discours est parfait. Le Roi, tout en parlant des complications générales, ne dit cependant rien qui puisse le compromettre devant les Chambres ou devant les puissances étrangères. Je trouve de fort bon goût qu’il n’ait pas nommé Madame la Duchesse de Berry.

Sa Majesté, après l’incident fâcheux qui venait de se passer quelques minutes avant son entrée dans la Chambre, n’a pas eu l’air troublé le moins du monde. Elle avait défendu à ses aides de camp d’en parler, de sorte que ce ne fut qu’après la séance que cette nouvelle s’est répandue.

Nous avons fait hier notre visite de condoléances et de félicitations aux Tuileries. Il y avait foule et grand cercle dans la salle du trône. La nouvelle galerie a été ouverte pour la première fois ; elle est immense et du plus beau style possible. C’est dans le genre de Versailles, de Fontainebleau, enfin de tout ce qu’on a jamais vu en France dans ce genre de plus beau, de plus grandiose.

Entre autres choses, Madame Adélaïde m’a dit que le Roi, dans la crainte que les détails de l’affreux attentat contre sa vie n’arrivassent défigurés aux oreilles de la Reine, a préféré l’en faire instruire par son aide de camp dans la Chambre même, et au moment où la Reine et sa famille ont pu le voir.

  1. Le Roi se rendant à la Chambre pour ouvrir la session, un coup de pistolet fut tiré sur lui, sans l’atteindre, au débouché du Pont Royal. Arrêtés comme auteurs de cet attentat, les sieurs Bergeron et Benoist furent traduits en Cour d’assises et acquittés, faute de preuves.