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en arabesques à l’huile la salle à manger de la comtesse, et cela pendant qu’elle était malade. Le comte de Narbonne était dans le secret et, lorsque la comtesse fut entièrement rétablie, il invita M. et Mme de Turpin à diner afin qu’ils eussent le plaisir de voir la surprise de sa femme. A son entrée dans la ravissante salle, elle reconnut sur-le-champ le goût si distingué de Turpin et le combla d’éloges, de remerciemens si aimables, si gracieux, que le comte m’avoua lui-même qu’elle avait trouvé des perfections dans le dessin de ses arabesques et beaucoup de poésie dans la composition de tout l’ensemble et, qu’il y trouvait réellement tout cela depuis que la comtesse le lui avait fait voir, mais qu’il était trop franc pour ne pas avouer qu’il n’y avait pas pensé en travaillant et que son ouvrage devait ces mérites uniquement aux interprétations judicieuses de la comtesse.

Mme de Narbonne passait la moitié de sa vie sur une chaise longue. Malgré toutes ses souffrances, elle restait toujours gaie et aimable. C’était curieux de la voir couchée sur son lit de repos, tout enveloppée d’écharpes et de fichus en dentelles, et cela dans une salle éclairée à jour, une salle de bal avec orchestre et tout ce qui s’ensuit. Les jeunes gens, les jeunes personnes entouraient son lit dans les intervalles de repos, elle les excitait à la danse, à la gaîté. On arrangeait pour elle des bals costumés, des quadrilles burlesques ou de caractère, et le tout était exécuté pour ainsi dire au chevet de la malade. A une certaine heure qu’elle reculait jusqu’au moment où ses forces l’abandonnaient, elle prenait congé de la société ; on la roulait jusqu’à sa chambre éloignée de la salle et elle y passait sa nuit, tandis que la jeunesse continuait la danse jusqu’à l’aube.

20 septembre. — Une des dernières victimes du fléau épidémique a été la marquise de Coigny, une des femmes les plus spirituelles de la société, belle-mère du général Sébastiani, mère du duc de Coigny, tante des princesses Charlotte et Berthe de Rohan. Son nom de fille était Conflans. Née sous des auspices les plus brillans, tels qu’un grand nom, une grande fortune, avec de la grâce, de l’esprit et de la beauté, il n’est pas étonnant qu’elle se fût mariée fort jeune et que bientôt elle ait occupé une place éminente dans la société.

Son salon fut le plus recherché de Paris ; tous les jeunes