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elle le dit, mais on voit bien qu’elle ne le pense pas.

La jeune reine a été enchantée de l’accueil qu’on lui a fait en Belgique ; elle est dans ce moment établie à Laeken, château royal qui lui plaît beaucoup. « Je suis très bien logée, dit-elle dans sa lettre à la Reine ; mes appartemens sont vastes et plus beaux que ceux du Roi même ; le parc me rappelle notre jardin de Mousseau, ce qui me le rend cher ; il est cependant beaucoup plus grand. »

La princesse Louise aimait à se lever de très bonne heure ; elle ne le fait plus maintenant, ne voulant pas contrarier le goût du roi des Belges, qui aime à se lever vers les dix heures ; puis elle se promène à cheval avec lui dans le parc ; à son retour, on sert le déjeuner ; le Roi et la Reine se retirent ensuite chacun dans son appartement. C’est l’arrivée du courrier de Paris, par conséquent l’heure de la journée que la reine Louise attend avec impatience. Elle est seule dans son cabinet, toute seule ; elle peut lire et relire toutes ces chères lettres de sa mère, de son père, de ses frères, de sa tante, de ses amies ; elle peut pleurer à son aise sans faire du chagrin à son mari, qui ne voit pas couler ses larmes ; puis, elle répond à chacune de ces épîtres, elle tâche de consoler les autres, mais elle ne parvient pas à se consoler elle-même de la cruelle séparation, de l’isolement dans lequel elle se trouve. Elle regrette tout, même les caprices, la mauvaise humeur de Mme de Malet, son ancienne gouvernante que la maladie rendait insupportable aux yeux de tout le monde, excepté à ceux de la princesse Louise, qui supportait ses travers avec une douceur, une patience exemplaires.

Avant l’heure de sa toilette, la reine des Belges fait avec le Roi une promenade en voiture. On dine à cinq heures et demie précises et, après-diner, la Reine passe dans son salon. Le roi Léopold a fait meubler cette pièce exactement comme le salon de la reine des Français à Saint-Cloud et aux Tuileries : une même table ronde couverte de drap vert avec des tiroirs tout autour, un grand candélabre au milieu et un petit bougeoir devant chacune des dames qui entourent cette table ; la Reine dans un fauteuil, les dames sur des chaises, chacune une tapisserie à la main. Le Roi va, çà et là, parler avec les hommes ou jouer au billard qui se trouve dans une pièce à côté ; une autre table un peu plus éloignée de la cheminée que celle de la Reine est remplie de journaux de tous les pays. La Reine, après avoir