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par la branche aînée comme un danger. Les Bourbons craignaient que l’Autriche ne le lâchât un jour et son nom seul les faisait trembler. Madame la Dauphine elle-même, malgré son attachement personnel à la maison d’Autriche, partageait cette crainte. Des royalistes de l’ancienne cour m’en parlaient sans déguisement en disant que semblable astuce ne leur paraissait nullement contraire à la politique du Cabinet de Vienne. Quand je protestais, on feignait d’être convaincu par ma réfutation, mais néanmoins, on continuait à partager cette opinion avec d’autres personnes de tout rang, de toute condition. Les plus polis énonçaient leurs craintes à ce sujet en disant qu’ils avaient peur que le jeune Napoléon, arrivant à l’âge d’homme et ne pouvant plus être tenu en tutelle sous la surveillance immédiate d’un gouverneur, ne s’échappât de la Cour de son grand-père pour venir en France conquérir le trône de son père. J’avais beau dire que c’était matériellement impossible et que pareille entreprise n’entrait pas même dans les idées du Duc de Reichstadt, qui était beaucoup trop fier pour faire l’aventurier, on revenait toujours sur la même question. Cette méfiance a beaucoup gâté les relations, même dans les grandes affaires, entre ces deux empires ; elle dirigea constamment toutes les démarches du Cabinet de Charles X ; les conseils salutaires de l’Autriche ne furent jamais écoutés et, qui plus est, on agissait presque toujours dans un sens diamétralement opposé aux vœux de l’Empereur, ce qui n’a pas peu contribué à la chute de la branche aînée.


2 août. — Le chansonnier Béranger, si populaire par son talent et plus encore par ses mauvais principes, qui attaquait autrefois, dans ses chansons, le gouvernement de Charles X avec autant de violence que de mauvaise foi, vient d’en lancer une intitulée : Le lion muselé, où il attaque le gouvernement de Louis-Philippe. Les royalistes, comme les républicains, se sont emparés de cette chanson ; on se la dit, on se la répète ; tout leur paraît plus désirable que le régime actuel.


10 août. — Voilà donc Mademoiselle Louise d’Orléans reine des Belges. Jamais on n’a vu une jeune mariée plus éplorée. Le roi des Français, la Reine, les princes et les princesses et toute la Cour pleuraient à cette cérémonie comme des enfans.