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assuré qu’elle était tout autre dans son intérieur, qu’elle parlait, qu’elle riait beaucoup, qu’elle était la plus gaie de toutes. Il se peut que sa pâleur et ses cheveux excessivement clairs, de ce blond qu’on ne voit ordinairement qu’en Allemagne, avec des yeux d’un bleu grisâtre, lui donnent un air encore plus froid qu’elle ne l’est réellement.

J’ai eu une longue conversation avec les Ducs d’Orléans et de Nemours. Le premier a été surtout fort aimable ; il m’a parlé des anciens temps, du temps de Charles X, de nos amusemens et des regrets qu’il avait de ne plus me voir autant qu’autrefois et qu’il espérait que, peu à peu, il pourrait renouer ses anciennes relations. Il entra après cela dans des détails de société, ce qu’il n’avait pas fait depuis les Glorieuses. Il me demanda des nouvelles de toutes les dames que nous voyions constamment chez la Duchesse de Berry et dont plusieurs étaient des dames d’honneur ; je lui ai parlé avec beaucoup de franchise sur tout cela et sur le changement regrettable que le départ de Charles X a opéré dans la société. Le prince m’a dit qu’il en était au désespoir, mais qu’il espérait cependant que, l’hiver prochain, on parviendrait à déblayer un peu les Tuileries. Ce propos m’a fait un sensible plaisir.


31 juillet. — La nouvelle du décès du Duc de Reichstadt nous a gâté notre petit bal, qui était arrangé comme surprise pour Rodolphe II qui atteint aujourd’hui l’âge de vingt ans. Nous avions réussi à inviter quelques centaines de personnes sans que le secret fût arrivé à ses oreilles ; il a donc appris notre projet et sa non-réussite à la même heure. Nous avons été tous fort contrits et nous nous sommes mis aussitôt à la triste besogne d’écrire des lettres d’excuse aux personnes invitées. Le pauvre Rodolphe, l’ambassadeur et moi nous nous partageâmes en parties égales cet ennuyeux ouvrage qui, grâce à nos efforts réunis, fut bientôt terminé.

Cette triste nouvelle a fait bien peu d’effet sur les Napoléonistes, ce qui prouve que ce parti depuis longtemps n’existait que de nom, et que, réellement, le Duc de Reichstadt n’avait que peu de partisans en France. Le parti carliste est celui qui a montré le plus de plaisir à la disparition d’un rival de Henri V ; il a de la peine à dissimuler devant nous.

L’existence de ce malheureux prince fut toujours considérée