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fait que passer la troupe en revue. Dans les Champs-Elysées, il y a un camp. Dans ma tournée de visites, je m’y suis rendu pour voir le général marquis de Saint-Simon ; je l’ai trouvé établi dans son quartier général, sur le grand carré des Champs-Elysées, au milieu de sa brigade.

— Eh bien ! me dit-il, que pensez-vous de tout cela ?

— Je ne suis pas moins étonné que vous, monsieur le marquis, dis-je, de vous voir assiégeant Paris. Vous ne l’auriez certainement pas cru, si je vous l’avais prédit, il y a quelques jours.

— Mais trouvez-vous que le Roi ait mal fait ?

— Tout au contraire, mon cher marquis ; le Roi, à moins de vouloir céder la partie comme Charles X, n’a pu faire autrement ; il s’est conduit avec courage, avec force.

— Vous auriez dû le voir hier, reprit le général ; c’était un autre homme, il fit l’étonnement de nous tous ; je l’ai vu à son arrivée de Saint-Cloud ; nous l’attendions avec impatience aux Tuileries. Dès qu’il se vit entouré de ses généraux, il nous dit : « — Messieurs, ma position est grave, mais je ne céderai pas comme mon prédécesseur, je ne quitterai point Paris ; je veux tout voir moi-même, je veux agir avec force. Tout ce qu’il y a de troupes dans et autour de Paris, doit se mettre sur le pied de guerre ; il faut pousser la chose jusqu’au bout, et, si nous sommes battus, je me retirerai avec mes troupes fidèles hors Paris, et je ferai une proclamation dans laquelle j’inviterai à venir auprès de moi tous ceux qui veulent un gouvernement fort et constitutionnel ; puis, je déclarerai Paris en état de siège et je la prendrai, cette ville, comme Henri IV. Messieurs, êtes-vous d’accord avec moi ? » Un : Vive le Roi ! retentit dans la salle. « — Partons donc, dit Sa Majesté. » Elle monta à cheval et rien n’arrêta plus sa marche. Nous passions à travers les barricades ; les balles sifflaient autour de nous, et, bien souvent, on représenta au Roi qu’il s’exposait trop ; il nous répondit avec la phrase que vous avez lue dans les journaux : « — J’ai une excellente cuirasse, ce sont mes cinq enfans. » Quant à la Reine, elle n’a pas montré moins de courage ; elle nous disait : « — Je compte sur vous, messieurs, je compte sur la garde nationale de Paris, vous ne nous abandonnerez pas. » Nous avons été assez heureux pour réussir. Il faut rendre justice au maréchal Soult ; tout a été parfaitement ordonné. En peu d’heures, il y a eu 60 000 hommes sur pied. Enfin, il me semble que ce n’est que