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heures du matin. Parmi les individus arrêtés au quartier Montmartre, se trouvent, dit-on, deux élèves de l’École polytechnique, un prêtre déguisé, quelques étudians et beaucoup de vagabonds.

Une immense barricade s’élevait à l’entrée du faubourg Saint-Antoine ; elle avait plus de neuf pieds d’élévation et était si bien construite avec des pavés et des planches qu’il fallut force boulets pour la démolir ; on a remarqué que les barricades étaient beaucoup mieux construites cette fois-ci qu’aux grandes journées. Celle dont je parle a résisté depuis huit heures du matin jusqu’à deux heures après-midi. C’est alors seulement que ses défenseurs ont cédé à la force de l’artillerie et aux troupes nombreuses qui arrivaient de tous les côtés. Je me suis trouvé près de la porte Saint-Martin sur les boulevards et vis à-vis de la scène ; il était près de une heure, et la barricade n’était point encore enlevée.

Les révoltés se sont défendus avec un acharnement et un courage extraordinaires ; des jeunes gens de quinze à seize ans franchirent les barricades, s’approchèrent à deux pas de la troupe de ligne qui tirait toujours, se jetèrent comme des tigres enragés sur les soldats et les gardes nationaux, en tuèrent plusieurs à bout portant pour se faire hacher en pièces quelques minutes après. Un cafetier de la rue Saint-Denis, un homme à formes athlétiques, républicain enragé, qu’on avait fait dans le temps capitaine de la garde nationale, espérant le gagner au gouvernement, a passé du côté de la révolte dès les commencemens. Il combattait en uniforme de capitaine de la garde nationale ; il se précipitait dans les rangs de ses camarades d’autrefois avec une rage féroce, il en tua sept avant qu’on put s’emparer de sa personne.

L’insurrection, repoussée de la rue Saint-Martin, était, dès lors, concentrée dans les quartiers des Lombards et de l’Hôtel de Ville. Les étudians et les élèves des écoles, au nombre de trois cents, se trouvant abandonnés de la population de Paris, rentrèrent chez eux vers midi. Cet exemple n’a pas été suivi par les principaux meneurs. Chassés de tous les points, délogés de toutes les rues adjacentes à la rue Saint-Martin, ils ont concentre leurs forces derrière la grande barricade élevée dans le quadrangle formé par cette même rue et celles de Saint-Merry et d’Aubry-le-Boucher. Les charges successives d’infanterie ayant été insuffisantes pour emporter cette barricade, on a employé