Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureux pour le sauver du choléra, mais il n’est pas encore hors d’affaire : il souffre ordinairement d’une maladie de cœur et on craint pour lui l’effet des remèdes qu’on a dû lui administrer ; on l’a frictionné d’une manière si forte que son corps ne présente qu’une plaie.

Casimir Perier parait sauvé. Le médecin Broussais l’a traité par des sangsues et de la glace pilée administrée à fortes doses. Hier soir, chez Mme de Delmar, la comtesse de Saint-Maurice m’a dit qu’un médecin, depuis le matin, avait guéri nombre de malades avec du charbon pilé. En réalité, les médecins n’y comprennent rien, et c’est pur hasard si le malade ne meurt pas. Les enfans ne sont pas plus épargnés que les grandes personnes. Mme de La Ferronnays vient de perdre le sien, une petite fille de vingt-deux mois.


12 avril. — Après avoir parlé de toutes les horreurs commises au début de l’invasion du choléra, il est juste de parler de tout le bien qui se fait, de tout l’argent qu’on donne pour les pauvres et pour les malades. Les dons en argent se montent à 60 000 francs par jour ; outre cela, on envoie des couvertures de laine, des lits complets, des chemises, des chaussettes. Certaines personnes ont cédé leur maison pour y établir des ambulances. D’autres ont organisé des refuges soit à l’aide de souscriptions dont ils ont pris l’initiative, soit en fournissant eux-mêmes les fonds nécessaires. Il en est de tout rang, de tout âge qui se font inscrire dans les infirmeries pour y faire le service de garde-malade. L’ambassadeur a remis 1 000 francs en argent au Préfet de la Seine et des couvertures de laine pour 600 francs au bureau de secours de notre arrondissement.


15 avril. — Les expériences auxquelles se livrent les savant pour décomposer l’air n’ont rien produit qui puisse expliquer l’épidémie. Mais ce qu’on sait, c’est que personne ne revient du choléra asiatique. Les médecins sont au bout de leur latin, et les plus habiles se perdent en conjectures.

Mme de Laverdine, sœur des Anisson, s’est couchée bien portante ; pendant la nuit, un frisson la prend ; les médecins accourent à l’appel de son père, Hippolyte Anisson, et arrivent juste à temps pour la voir expirer. M. de Chauvelin, membre de la Chambre des Députés, a été également enlevé en peu