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plus acheter de ce vin, mais de donner à ses gens du cidre qui se trouve dans sa cave.

— Alors, madame, dis-je à la comtesse, vous ne ferez que changer de poison, car le cidre en est un en temps d’épidémie.

— Ah ! vraiment ! s’écria-t-elle ; alors je mettrai mes gens à l’eau.

Toutes ces histoires et le bulletin de la maladie qui constate pour la journée d’hier deux cent cinquante cas, n’ont pas empêché l’enthousiasme qu’ont excité Rubini et Lablache de se manifester ; on les a applaudis à outrance. La comtesse Pozzo et sa cousine, la princesse de Chalais, étaient resplendissantes de diamans ; elles avaient des robes superbes en blondes et ont causé beaucoup d’ombrage à une autre jeune mariée, Mme de Maillé, qui avait une robe en moire couleur de rose et garnie en blondes, des diamans et des plumes dans les cheveux, mais pas avec autant de profusion que les deux autres. Cependant, elle est encore plus belle, et sa mise plus simple rehaussait, à mon avis, les charmes de sa figure si belle avec cette expression de modestie qui pare tant les femmes.

En quittant ces splendeurs à une heure et demie, j’ai fait une ronde à travers Paris. J’ai trouvé sur le boulevard, devant la porte du général Sébastiani, les trois bataillons du 3e de ligne ; à la porte Saint-Denis, le Ier et le 2e bataillon du 1er de ligne. Là, il y avait déjà un attroupement fort considérable et, à deux pas, un escadron du 2e dragons ; à la porte Saint-Martin, les 3e et 4e bataillons du 1er de ligne et un bataillon de la 1re légion ; mais c’est tout ce qu’il y avait en fait de garde nationale. A la Bastille stationnaient deux bataillons du 16e de ligne, arrivés de Courbevoie pour remplacer le 52e qui part et sur la place, outre ces bataillons, deux escadrons du 2edragons et du 6e de la même arme.

J’ai vu arriver le Duc d’Orléans précédé de 25 carabiniers et suivi d’un escadron du même régiment ; il était au milieu d’un état-major où figurait le maréchal Lobau. J’ai continué ma course jusqu’à la barrière du Trône, confiée à la garde d’un bataillon du 25e de ligne. Là, l’émeute m’a semblé plus hideuse ; j’y ai vu des chiffonniers et les débris de tombereaux qui ont été brûlés.

C’est là que j’ai lu le placard suivant, à moitié déchiré par la police :