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triomphaient, chassaient les catholiques de leurs églises et de leurs propriétés. Quand Augustin arriva dans le pays, le catholicisme y était bien bas. Et puis, les indéracinables manichéens continuaient à y recruter des prosélytes. Il ne cesse pas d’écrire des traités, de disputer contre eux, de les accabler sous la logique minutieuse de son argumentation. A la demande des donatistes eux-mêmes, il eut. à Hippone, dans les thermes de Sossius, une conférence avec un de leurs prêtres, un certain Fortunatus : il le réduisit au silence et à la fuite. Les manichéens ne se découragèrent pas pour cela : ils envoyèrent un autre prêtre.

Si les ennemis de l’Église se montraient tenaces, les propres ouailles d’Augustin étaient singulièrement turbulentes, difficiles à gouverner. La faiblesse du vieux Valérius avait dû laisser s’introduire bon nombre d’abus dans la communauté. Bientôt, le prêtre d’Hippone eut un avant-goût des difficultés qui l’attendaient dans son épiscopat.

A l’exemple d’Ambroise, il entreprit d’abolir la coutume des festins dans les basiliques et sur les tombeaux des martyrs. C’était là une survivance du paganisme, dont les fêtes s’accompagnaient de bombances et d’orgies. A chaque solennité (elles étaient fréquentes), les païens mangeaient dans les cours et sous les portiques qui entouraient les temples. En Afrique surtout, ces repas publics donnaient lieu à des scènes répugnantes de gloutonnerie et d’ivrognerie. D’habitude, l’Africain est très sobre, mais, quand il se décarême, il devient terrible. On le voit bien aujourd’hui, dans les grandes fêtes musulmanes, lorsque les riches distribuent des bas morceaux de boucherie aux indigens de leurs quartiers. Dès que ces gens, habitués à boire de l’eau et à manger un peu de farine bouillie, ont goûté à la viande, ou bu seulement une tasse de vin, il est impossible de les tenir : ce sont des rixes, des coups de couteau, la ruée générale dans les bouges. Qu’on se représente cette débauche populaire s’étalant dans les cimetières et dans les cours des basiliques, et l’on comprendra qu’Augustin se soit efforcé de mettre un terme à de pareils scandales.

Il se concerta, pour cela, d’abord avec son évêque, Valérius, puis avec le primat de Carthage, Aurelius, qui sera désormais son plus ferme auxiliaire dans sa lutte contre les schismatiques.

Pendant le carême, — le sujet étant de circonstance, — il parla contre ces orgies païennes : ce qui souleva, au dehors.