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le véritable coadjuteur de l’évêque, qui se déchargea sur lui de la prédication et du soin d’administrer le baptême aux catéchumènes. Parmi les prérogatives épiscopales, c’étaient les deux plus importantes. Les évêques y tenaient extrêmement. Quelques collègues de Valérius se scandalisèrent même de ce qu’il permît à un simple prêtre de prendre la parole devant lui, dans son église. : Bientôt, d’autres évêques, frappés des avantages de cette innovation, imitèrent l’initiative de Valérius et permirent à leurs clercs de prêcher, même en leur présence. Tant d’honneurs n’enivrèrent point le prêtre d’Hippone. Il en sentait surtout les périls, et il les considérait comme une épreuve infligée par Dieu : « On m’a fait violence, disait-il, sans doute en punition de mes fautes ; car, pour quel autre motif pourrais-je croire qu’on m’ait confié la seconde place au gouvernail, moi qui ne savais même pas tenir une rame !... »

Cependant, il n’avait point renoncé à ses intentions de vie cénobitique. Prêtre, il entendait rester moine. C’était un crève-cœur, pour lui, que d’avoir été contraint d’abandonner son monastère de Thagaste. Il fit part de ses regrets à Valérius qui, comprenant l’utilité du couvent comme séminaire de futurs prêtres, lui donna un verger, appartenant à l’église d’Hippone, pour y établir une nouvelle communauté. Ainsi fut fondé ce monastère, qui allait fournir un grand nombre de clercs et d’évêques à toutes les provinces d’Afrique.

Parmi les ruines d’Hippone, vieille cité romaine et phénicienne, on cherche, sans grand espoir de le retrouver jamais, l’emplacement du monastère d’Augustin. On voudrait le voir sur cette colline où se déversait autrefois, dans des citernes colossales, l’eau, amenée par un aqueduc, des montagnes prochaines, et où se dresse, aujourd’hui, une basilique toute neuve qui, de la haute mer, attire les regards. Derrière la basilique, un couvent, où les Petites Sœurs des Pauvres entretiennent une centaine de vieillards. Ainsi se perpétue, au milieu des Africains musulmans, le souvenir du grand marabout chrétien. On aurait peut-être souhaité là un édifice d’un goût plus purement et plus sobrement antique. Mais, en somme, la piété de l’intention suffit. Cet hospice convient parfaitement pour évoquer la mémoire de l’illustre évêque, qui ne fut que charité. Quant à la basilique, l’Afrique a fait tout ce qu’elle a pu, afin de la rendre digne de lui. Elle lui a donné ses marbres les