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et très doux, se dessine confusément sur le cristal limpide et souriant du ciel.

Accoudés à la fenêtre, Augustin et Monique regardaient. C’était au crépuscule sans doute, à l’heure où les fenêtres méridionales s’ouvrent à la fraîcheur, après une journée brûlante. Ils regardaient : « Nous admirions, dit Augustin, la beauté de tes œuvres, ô mon Dieu !... » Rome était là-bas, derrière les collines, avec ses palais, ses temples, le resplendissement de ses dorures et de ses marbres. Mais l’image lointaine de la Ville impériale ne pouvait vaincre cette tristesse éternelle qui monte de l’Agro. Un air de nostalgie funèbre pesait sur cette lande, prête à sombrer sous l’envahissement des ombres. Ces vaines apparences corporelles qui se défaisaient d’elles-mêmes, comme il était facile de s’en détacher !... « Alors, reprend Augustin, nous portâmes plus haut nos esprits. » Il parle comme si lui et sa mère s’étaient élevés, d’un vol égal, à la contemplation. Plus probablement, il y fut entraîné par Monique, depuis longtemps familière avec les voies spirituelles, habituée aux visions, aux colloques mystiques avec son Dieu...) Où était-il ce Dieu ? Toutes les créatures interrogées par leur pressante supplication leur répondaient : Quære super nos !... Cherche au-dessus de nous ! » Ils cherchaient, ils montaient toujours : « Nous parvînmes à nos âmes, mais nous les dépassâmes pour atteindre, Seigneur, à cette région d’inépuisable abondance, où tu rassasies éternellement Israël du pain de Vérité... Or, tandis que nous parlions, et que nous nous élancions, affamés, vers cette région divine, par un bond de tout notre cœur, nous y touchâmes un instant... Puis, en soupirant, nous retombâmes, y laissant attachées les prémices de notre esprit, et nous redescendîmes à ces balbutiemens de nos lèvres, — à cette parole mortelle, qui commence et qui finit... »

« Nous retombâmes ! » L’inexprimable vision s’était éclipsée. Mais un grand silence s’était fait en eux, silence des choses, silence de l’âme. Et ils se disaient ;

« Si ce silence pouvait se prolonger, toutes les autres visions inférieures se dissoudre, et cette vision unique emporter l’âme, l’absorber et l’abîmer dans la joie de la contemplation, de telle sorte que la vie éternelle fût semblable à cet instant d’intelligence, qui nous a fait soupirer d’Amour, — ne serait-ce pas là l’accomplissement de cette parole : « Entre dans la joie