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pendant ses veillées et ses nuits d’insomnie. Il cherchait Dieu, en gémissant : « Fac me Pater, quærere te : Fais, ô mon Père, que je te cherche ! » Mais il le cherchait encore plus en philosophe qu’en chrétien. Le vieil homme n’était pas mort en lui. Il n’avait pas dépouillé complètement le rhéteur, ni l’intellectuel. Il restait le cœur trop tendre, qui avait tant sacrifié aux affections humaines. Dans ces ardens dialogues entre sa raison et lui, on sent bien que la raison n’est pas tout à fait maîtresse : « Je n’aime maintenant que Dieu et l’âme, » déclare Augustin avec une pointe de présomption. Et sa raison, qui le connaît, de répondre : « Tu n’aimes donc pas tes amis ? — J’aime l’âme : comment pourrais-je ne pas les aimer ? » Que manque-t-il à cette phrase, d’un sentiment exquis et déjà si détaché, pour donner un son purement chrétien ? A peine une nuance d’accent.

Lui-même commençait à s’apercevoir qu’il fallait moins philosopher et se rapprocher davantage de l’Écriture, — en écouter la sagesse, avec un cœur contrit et humilié. Sur les indications d’Ambroise, qu’il avait consulté par lettre, il entreprit de lire les prophéties de Jérémie, comme celui de tous les livres sacrés qui contient l’annonce la plus claire de la Rédemption. Les difficultés, qu’il y rencontra, le découragèrent : il en remit la lecture à plus tard. Entre temps, il avait envoyé à la municipalité de Milan sa démission de professeur de rhétorique. Puis, quand le moment fut venu, il adressa par écrit, à l’évêque Ambroise, la confession de ses erreurs et de ses fautes, en lui marquant son intention bien arrêtée de recevoir le baptême. Il le reçut sans bruit, le 25 avril, aux fêtes de Pâques de l’année 387, avec son fils Adéodat et son ami Alypius. Celui-ci s’y était préparé pieusement, s’infligeant les plus rudes austérités, jusqu’à marcher pieds nus, en hiver, sur le sol glacé.

Voilà donc les solitaires de Cassiciacum de retour à Milan. Les deux élèves d’Augustin l’avaient quitté. Trygetius était sans doute reparti pour l’armée. Licentius s’installait à Rome. Mais un autre compatriote, un Africain de Thagaste, Evodius, ancien agent d’affaires de l’Empereur, vint s’adjoindre au petit groupe des nouveaux convertis. Evodius, futur évêque d’Uzale, en Afrique, et baptisé avant Augustin, était un homme d’une piété scrupuleuse et d’une foi entière. Il s’entretenait dévotement avec son ami, qui, au sortir du baptême, goûtait tout l’apaisement