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quelque morceau de ce grand paysage. Quant à la villa elle-même, Augustin nous en a dit suffisamment, pour que nous la voyions assez bien. C’était sans doute un de ces vieux logis rustiques, que leurs propriétaires n’habitent que quelques mois de l’année, à l’époque la plus chaude, et qui, le reste du temps, sont livrés aux ébats des souris et des rats. Sans prétentions architecturales, elle avait été agrandie et remaniée, uniquement pour la plus grande commodité de ses hôtes. Nul souci de la symétrie : la porte principale n’occupait point le milieu du corps de bâtimens, et il y avait une autre porte sur un des côtés. Le seul luxe de cette maison de campagne était peut-être la salle de bain. Ces bains, tout modestes qu’ils fussent, rappelaient pourtant à Augustin la décoration des gymnases : est-ce à dire qu’il s’y trouvait de riches pavemens, des mosaïques et des statues ? C’était chose commune dans les villas romaines. Les Italiens de tous les temps ont toujours eu beaucoup de goût pour les statues et les mosaïques. Peu exigeans sur la qualité, ils se rattrapent sur la quantité. Et, quand ils ne peuvent pas s’en offrir, il leur suffit de s’en donner l’illusion, en peinture. Je m’imagine assez volontiers la villa de Verecundus peinte à fresque du haut en bas, à l’intérieur et à l’extérieur, comme les maisons pompéiennes et les modernes villas milanaises.

Il n’est pas question de jardins d’agrément à Cassiciacum. Ainsi que dans une ferme, tous les environs immédiats devaient être en potagers, en prairies ou en cultures. Un pré, — rien d’une pelouse de château, — descendait devant la maison, que protégeaient du soleil et du vent quelques massifs de châtaigniers. On s’asseyait sur l’herbe, à l’ombre d’un de ses grands arbres, et l’on devisait joyeusement, en écoutant la chanson intermittente d’un ruisseau, qui coulait sous les fenêtres des bains. On vivait là en pleine nature, d’une vie presque rus- tique. Tout le charme de Cassiciacum était fait de silence, de paix, de fraîcheur surtout. La poitrine fatiguée d’Augustin y respirait un air plus pur qu’à Milan, où l’humide chaleur estivale est accablante. Son âme, avide de recueillement, y trouvait une retraite en harmonie avec ses aspirations nouvelles, — solitude champêtre, dont la douceur virgilienne flattait encore son imagination de lettré. Les jours qu’il y passa furent, pour lui, des jours bénis. Longtemps après, il s’en souvient avec émotion, et, dans un élan de reconnaissance pour son hôte, il