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avait donné une sorte de bronchite chronique, que l’été n’avait pas guérie. Il éprouvait de la peine à respirer, sa voix s’était affaiblie et voilée, au point qu’il se demandait si les poumons n’étaient pas attaqués. Augustin avait réellement besoin de se soigner. C’était un motif plus que suffisant pour interrompre ses cours. Ayant rempli ses obligations professionnelles jusqu’au bout, — et il nous assure qu’il lui fallut, pour cela, du courage, — il descendit de sa chaire, avec l’intention formelle de n’y plus remonter.

Le voilà donc libre de toute attache mondaine ! Désormais, il pourra, dans le silence et la retraite, se préparer au baptême. Et pourtant il fallait vivre ! Augustin avait plus que jamais charge d’âmes : son enfant, sa mère, son frère, ses cousins. Lourd fardeau sous lequel il se débattait depuis longtemps. Il est probable que, cette fois encore, Romanianus, qui était à Milan, vint à son secours. On se rappelle que le mécène de Thagaste avait accueilli avec empressement ce projet de monastère laïque, dont Augustin et ses amis s’étaient jadis engoués, et qu’il avait promis d’y contribuer de sa fortune. La retraite d’Augustin était un commencement de réalisation de ce projet, sous une nouvelle forme. Romanianus y fut sans doute favorable. En tout cas, il le pria de continuer ses leçons à son fils Licentius. Un autre jeune homme, Trygetius, lui demanda la même faveur. Augustin n’entendait donc pas résigner tout à fait ses fonctions. Provisoirement du moins, — de professeur officiel, il était devenu professeur libre.

C’était le vivre assuré. Il ne lui manquait plus que le couvert. Un ami, un collègue, le grammairien Verecundus, le lui offrit gracieusement. Verecundus s’acquittait ainsi d’un service qu’Augustin venait de lui rendre tout récemment. Sur les instances de celui-ci, Nébride, leur ami commun, avait consenti à suppléer dans sa classe le grammairien, qui se voyait dans la nécessité de prendre un congé. Quoique riche, plein de talent et très désireux de paix et de solitude, Nébride accepta de remplacer Verecundus dans ce modeste emploi, uniquement par complaisance. On ne saurait trop admirer la générosité et la bonhomie de ces mœurs antiques et chrétiennes : l’amitié, en ce temps-là, ignorait les étroitesses et les mesquineries de nos égoïsmes.

Or, Verecundus possédait, dans la banlieue milanaise, une