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aurait faite aux Puissances, mais aucune d’elles ne l’a reçue. La vérité semble être que l’ambassadeur autrichien à Londres a demandé qu’on prît contre le Monténégro des mesures de répression immédiates et que ses collègues, sans contester qu’il y aurait peut-être lieu d’y recourir par la suite, ont préféré attendre la réponse du Monténégro à la notification qui devait lui être faite. En attendant, la Russie a été la première à proposer qu’on resserrât le blocus. Ne suffit-il pas, pour aujourd’hui, que le roi Nicolas ne se fasse aucune illusion sur l’avenir et qu’n sache, à ne pas pouvoir en douter, qu’il ne conservera pas sa conquête ?

On a parlé de compensations à lui donner et, sur le premier moment, l’opinion autrichienne s’y est opposée. — Eh quoi ! a-t-on dit à Vienne, le Monténégro obtiendrait un avantage quelconque, soit en territoire, soit en argent, pour avoir passé outre à la volonté de l’Europe, qui lui avait été signifiée dans les termes les plus explicites ! L’Europe ne s’est même pas contentée de paroles, elle a fait un acte qui engage son « honneur, » comme on l’a dit à Londres : elle a envoyé ses navires sur les côtes du Monténégro. Celui-ci n’en a tenu aucun compte : mérite-t-il pour cela une récompense ? — Tel est le langage qu’on tient à Vienne. Nous ne savons pas encore si c’est bien celui du gouvernement, mais c’est celui des journaux, celui des conversations, celui qu’on entend partout. Il est à désirer que ce langage n’exprime pas des résolutions irréductibles. Sans doute, après les déclarations qu’elle a faites et les assurances qu’elle a reçues, l’Autriche ne saurait consentir à ce que Scutari n’appartienne pas à l’Albanie, mais cette satisfaction lui sera donnée comme elle lui a été promise, et, sur le reste, on peut transiger sans s’infliger un démenti à soi-même. Il importe peu que le Monténégro obtienne une rectification de frontière et que l’Europe lui assure les moyens financiers de réparer les dépenses de la guerre. Ce sont là des mesures qui n’auront aucun effet appréciable sur l’avenir et ne diminueront en rien les chances futures de l’Albanie.

Il y aurait danger, au contraire, à tendre la situation à l’excès en repoussant, de parti pris, toute idée de transaction. Le Monténégro a montré, à la vérité, un médiocre respect pour la volonté de l’Europe ; mais s’il est permis d’en éprouver de la mauvaise humeur, ce sentiment ne doit pas être implacable. La Bulgarie, la Serbie, la Grèce auront tiré d’immenses avantages de la guerre qu’elles viennent de faire et pourtant on aperçoit déjà, dans la paix qui se prépare, des germes de dissehtimens que l’avenir développera. Faut-il en ajouter