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pour un observateur placé en Europe) ; il a montré que cette dérive est causée en grande partie par les vents. Enfin il a découvert que tout le bassin polaire est une mer très profonde et contient, non pas comme on le croyait des eaux très froides, mais au-dessous de la couche superficielle des nappes épaisses d’eaux relativement chaudes, dont la température dépasse souvent + 1o, très salées et qui proviennent évidemment du Gulf-Stream. Aucune expédition boréale n’a jamais dépassé celle-ci en importance : la route rationnelle vers le pôle est celle qu’a découverte Nansen. Et en voici sans doute la meilleure preuve : c’est par cette route, mais en partant cette fois du détroit de Behring, que Roald Amundsen, d’après ce qu’il a bien voulu nous confier, compte entreprendre d’ici à quelques mois la conquête définitive du pôle boréal. Car le vainqueur du pôle Sud n’a point de cesse qu’il n’ait atteint aussi l’autre extrémité de l’axe terrestre. Cet homme du Septentrion, encore qu’habitué à de durs couchages, ne veut point se reposer sur ses premiers lauriers. Alors qu’on voit tant de gens en étaler quelques brins médiocres avec une fière importance, Amundsen pense qu’il en faut des gerbes entières avant que de s’en faire un lit de repos.


LA CONQUETE DU POLE SUD

Que le pôle méridional de la Terre dût être atteint presque en même temps que l’autre, par deux expéditions distinctes, d’une façon beaucoup plus sûre et dans des conditions ne prêtant pas à la moindre réserve, c’est une chose qui eût paru invraisemblable si on se fût avisé de l’annoncer il y a quelque quinze ans.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, on ne savait en effet à peu près rien sur l’Antarctide, et on en était resté aux résultats des Cook, des Ross, des Dumont-d’Urville, qui avaient, à la fin du XVIIIe siècle ou au commencement du suivant, découvert aux environs du cercle polaire austral des terres dont on ne savait pas si elles formaient un continent ou un archipel.

C’est seulement à la suite du voyage de la Belgica (1897-98), qui réalisa le premier hivernage austral, et que M. Dastre a naguère commenté ici même, que coup sur coup plusieurs expéditions s’organisèrent afin d’apporter un peu de lumière sur la nature exacte des environs du pôle austral. Parmi elles il faut citer l’expédition anglaise de Scott, la suédoise de Nordenskjold, l’allemande de Drygalski, enfin les belles et fructueuses expéditions de notre compatriote