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Dans le dessein de retrouver leurs papiers, le capitaine danois Mikkelsen, accompagné du seul docteur Iversen, se fait déposer sur un point de la côte groenlandaise en 1909, s’élance hardiment vers le Nord et réussit à mettre la main sur les précieux documens d’Eriksen. Il pensait ensuite avec son compagnon rejoindre les établissemens esquimaux de la côte Ouest du Groenland, à travers le détroit qui, d’après ce qu’avait annoncé Peary, s’étend à travers le Nord du Groenland. Il dut abandonner ce plan ayant trouvé dans les notes d’Eriksen que « le détroit de Peary n’existe pas, et que la terre de Peary que celui-ci avait affirmé être, une île d’après ses constatations, n’était qu’un prolongement péninsulaire du Groenland. » Ce que furent les souffrances des deux hommes munis de provisions insuffisantes et obligés de refaire 900 kilomètres vers le Sud à travers le plus horrible détroit glacé du monde pour revenir à leur point de départ, — d’où leur navire suivant les ordres reçus était parti depuis longtemps, — ce que furent les efforts surhumains qu’ils durent accomplir, pour être recueillis finalement par un navire phoquier et rentrer il y a quelques semaines seulement en Europe, où on les croyait morts depuis deux ans, on ne le lira point sans frémir dans la relation qui vient de paraître de leur fantastique voyage. Rarement sans doute peines plus cruelles furent plus courageusement supportées et vaincues que celles de ces deux « robinsons, arctiques, » comme les a si justement nommés M. Charles Rabot. Et l’on ne saurait s’étonner trop de la sévérité avec laquelle Mikkelsen commente dans son récit l’allégation erronée de Peary qui a failli leur coûter la vie.


LES ROUTES POLAIRES D’EUROPE ET D’ASIE

Le secteur boréal européen n’a pas, comme le secteur américain, de terres étendues s’avançant très loin vers le Nord (le cap Nord en Norvège n’est guère qu’à 71° de latitude, ç’est-à-dire environ 1 400 kilomètres moins près du pôle que le Groenland septentrional). Pourtant, ce secteur a l’avantage immense d’être sur le trajet du Gulf-Stream, de sorte que la limite des glaces permanentes y est très septentrionale et que la mer y est libre chaque année jusqu’à de très hautes latitudes. Aussi les archipels qui se trouvent dans cette région, celui du Spitzberg, comme celui de la Terre François-Joseph (découverte en 1872-1874 par deux officiers autrichiens, Weyprechtet Payer), ont-ils servi de base à plusieurs tentatives vers le pôle, le premier notamment à l’expédition aérienne du malheureux Andrée, et le second à l’expédition