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Et ils négligent de conclure.

Là encore, ils me semblent retourner, par-dessus le précédent siècle, si passionnément lyrique, et par-dessus le XVIIIe siècle, si ardent à promulguer ses doctrines, retourner à l’esthétique racinienne, classique. L’art, au XVIIe siècle, n’est pas absolument séparé, mais il est plus séparé que jamais de la vie environnante. Omettons, évidemment, les moralistes et les sermonnaires : l’art, au XVIIe siècle, ne gouverne pas les opinions ; il est un divertissement. Racine ne déroutait pas ses auditeurs en leur proposant de sentir comment Néron devint un meurtrier. Nous, qui venons après deux siècles de littérature démonstrative et qui, au surplus, avons repris nos libres et incertaines opinions à l’autorité qui les garantissait, nous portons notre inquiétude partout et nous quémandons partout des réponses : nous en réclamons à l’art même.

Il est possible que ce soit notre manie ; et je crois qu’elle a dénaturé l’idée de l’art : du moins l’a-t-elle modifiée. Une manie assez poignante et qui, malgré ses inconvéniens, a ennobli peut-être l’idée de l’art. Une manie, en tout cas, dont MM. Jérôme et Jean Tharaud ne veulent pas tenir compte, aujourd’hui.

Mais notons que l’œuvre de MM. Jérôme et Jean Tharaud, — si belle, vive et importante, — n’est encore qu’à la période des semailles dans un champ vaste et bien labouré. Ils lieront des gerbes opulentes : nous les verrons alors à cette tâche que d’autres font de trop bonne heure, quitte à ne pas lier grand’chose.


ANDRE BEAUNIER.