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question fait elle-même partie de la philosophie. Ce qui est dès à présent certain, c’est que l’homme a l’idée de la philosophie comme effort de son esprit tout entier, — pensée, sentiment, volonté, — pour se mettre consciemment en harmonie avec la totalité du réel. La question du connaître est pour elle inséparable de la question de l’être, mais cette dernière, en définitive, sera toujours la principale. Cette conception de la philosophie réconcilie toutes les autres ; mais elle fait plus, elle en montre le lien et en découvre l’unité dans le moteur le plus profond de notre être, et, par extension, de tout être : volonté de conscience.

Pour rendre le monde aussi intelligible et aussi un qu’il est possible, il faut trouver un type d’existence universelle qui en fournisse, pour ainsi dire, l’unité décomposition. Ce type d’existence doit-il être cherché dans la conscience ou au dehors ? Voilà le problème.

Mais d’abord, nous ne connaissons directement que ce qui est dans la conscience ; ce que nous disons être au dehors n’est conçu que médiatement.

En second lieu, le dehors n’est conçu que par une répétition ou une diminution de notre conscience. Par une répétition et duplication, s’il s’agit des autres sujets consciens que nous nous représentons à notre image. Par une diminution, s’il s’agit des êtres dits matériels, que nous concevons en les dépouillant d’un certain nombre des attributs de notre existence consciente ; nous appauvrissons notre conscience, nous la réduisons à ce qu’elle offre de plus élémentaire : activité et passivité. De cette façon, nous concevons des forces extérieures qui ne seraient que des sources de résistance ou de mouvement, et nous répandons dans l’espace ces résidus de nos sensations visuelles ou tactiles, sous le nom de corps.

Selon Nietzsche, nous lisons le monde extérieur dans notre conscience comme le sourd-muet lit sur les lèvres les mots qu’il n’entend pas directement. Selon nous, au contraire, c’est quand nous regardons le monde extérieur que nous lisons sur les lèvres de la nature des mouvemens dont le sens intérieur nous échappe ; en nous seulement, au fond de notre conscience, retentit en écho la musique des sphères. Choisissez un type d’existence non conscient, non réductible à des états quelconques de la vie consciente, qu’arrivera-t-il ? La conscience, avec son caractère absolument spécifique et sui generis, demeurera