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qui seule le pose comme existant véritablement, qui seule prononce à la fois le cogito et le sum.

Quoi que nos savans puissent dire, le sujet pensant restera toujours en dehors de toutes les sciences d’objets, qui sont les sciences dites positives. La philosophie aura donc toujours, outre un objet propre, un sujet propre ; la pensée dans son rapport avec la réalité, rapport qui est précisément la conscience ou plutôt la volonté de conscience universelle.

En parlant de la pensée, nous prenons ce mot, comme le fit Descartes, au sens le plus large, qui embrasse la conscience entière ; sensations, sentimens, tendances, appétitions, non moins que jugemens, raisonnemens et idées. Il y a de la pensée dans tous les faits ou actes de conscience, parce qu’aucun d’eux ne peut se saisir lui-même et devenir conscient que par un acte de discernement qui est déjà la pensée en germe, le sujet saisissant un objet ; de plus, aucun d’eux ne peut être posé comme réel et affirmé comme vrai que par la pensée. Nous n’admettons nullement la séparation classique des « facultés : » intelligence, sensibilité, volonté. Pas de pensée sans quelque sentiment et sans quelque vouloir ; pas de sentiment ni de vouloir sans quelque pensée ; l’intellectuel, le sensitif et le volitif sont toujours inextricablement mêlés. L’œuvre de la psychologie contemporaine est de retrouver en tout état ou acte intérieur le même « processus » à triple aspect, que nous avons nommé « le processus appétitif : » sensation, émotion, appétition.

Ainsi conçue, la psychologie sera essentiellement philosophique, puisqu’elle partira toujours du réel concret, conscient ou subconscient, et aboutira toujours au réel concret, devenu de plus en plus conscient pour la pensée. Son travail proprement scientifique ne consistera jamais que dans l’établissement de simples rapports internes et de lois internes, comme celles de l’association des idées, comme aussi de rapports entre ces lois internes et les lois externes, entre le mental et le physique ; mais ce qu’il y aura toujours de profondément philosophique dans la psychologie, c’est le point de vue de la conscience de soi : nous nous y plaçons nécessairement pour nous voir vivre de la vie qui se sent et se pense elle-même, seule vie réelle et complète d’après laquelle nous pouvons interpréter toute autre vie.

A la différence de la psychologie pure, la philosophie ne