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était pas d’abord compris : notre propre interprétation. Celle-ci est un microcosme qui vient se superposer au macrocosme ; par là, l’homme n’est plus seulement, comme le croyait Leibniz, un miroir de l’univers, il est un des agens de l’évolution universelle. Non moins que l’homme d’action et plus encore peut-être, le philosophe contribue, par ses idées, à l’histoire de l’univers.


Est-il vrai d’abord, comme le répètent volontiers nos positivistes et « physiologues, « que, les sciences particulières s’étant détachées toutes du tronc de la philosophie pour vivre d’une vie indépendante, l’arbre antique et vénérable perde aujourd’hui sa sève, se dessèche et meure ? La philosophie disparaitra-t-elle au profit des sciences, seules qualifiées désormais pour interpréter le monde et la vie ?

Il y a tout au moins, remarquons-nous d’abord, une chose qui ne saurait disparaître : c’est l’idée même de la philosophie comme recherche de ce qu’il y a de radical et d’universel dans la réalité. Or cette idée exerce une action et tend à se réaliser ; si sa réalisation complète est impossible, sa réalisation progressive n’est pas démontrée impossible. Par cela même que la conception de la philosophie est un idéal, elle est aussi une force ; elle meut l’intelligence, elle meut toute l’âme et l’empêche de se murer dans aucune science particulière, pas plus que l’univers n’y est muré.

Mais la philosophie est plus qu’une idée ; elle a, elle aussi, et aura toujours sa réalité, quelque incomplète qu’on la juge ; elle a sa nature spécifique et sa valeur propre, que la première tâche du philosophe actuel est de mettre en pleine lumière.

La philosophie est, selon nous, le plus haut effort de cette volonté qui fait le fond de notre être et que nous avons proposé ailleurs d’appeler la « volonté de conscience, » par opposition à la « volonté de vie » de Schopenhauer et à la « volonté de puissance » admise par Nietzsche. En effet, la philosophie est une tentative pour prendre conscience, aussi profondément et aussi largement qu’il est possible à l’homme, d’abord de ce qui constitue notre réalité propre, puis de celle des autres êtres et du monde entier. Elle pourrait se définir : la recherche progressive de la conscience radicale et intégrale.

C’est à cette conscience universelle qu’aspire déjà, mais sans