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— Vous savez, me répondit la marquise, que mon frère, en montant sur le trône du Brésil dont son abdication l’a fait descendre, avait cédé à Dom Miguel la couronne de Portugal sous certaines conditions. Dom Miguel n’en a rempli aucune, ce qui donne le droit à l’Empereur de reprendre la couronne, si bon lui semble. A mon avis, je crois que c’est ce qu’il pourrait faire de mieux, car il serait dur pour lui d’être le lieutenant général et le premier ministre de sa fille, ayant tous les droits d’occuper le trône lui-même.

Le marquis de Loulé, qui s’était tu tout le temps de cette conversation, prit la parole et, après m’avoir dit qu’il accompagnerait l’Empereur, chercha à donner une autre tournure à la conversation, trouvant probablement que sa femme avait parlé avec un peu trop d’abandon. Etant au fait de ce que je voulais savoir, je n’ai fait aucune tentative pour ramener l’entretien sur l’expédition de Dom Pedro.

Le même soir, l’Empereur est venu nous faire visite dans notre loge aux Italiens ; il se déchaîna contre Larocha, le nouvel envoyé du Brésil qui vient d’arriver et qui n’a pas passé chez lui. Dom Pedro se trouve vivement piqué de ce manque d’égards.

— Ce petit homme et sa suite sont tous mulâtres, nous dit-il ; il aurait été le plus heureux des mortels si, pendant que j’étais au Brésil, je l’avais honoré d’un regard, et, maintenant, il fait le fier.

En parlant, il frappait du pied rudement le plancher. L’Empereur est très susceptible vis-à-vis du corps diplomatique ; il prétend qu’on vienne chez lui, qu’on lui fasse la cour à son jour de fête ; il l’a fait insinuer aux membres du corps diplomatique ; les ambassadeurs et ministres des puissances parentes sont seuls venus.


15 octobre. — En parlant de la soirée à laquelle assistait le dey d’Alger, j’ai oublié l’incident que voici. Le Roi s’aperçut que le dey, peu accoutumé à rester debout, ne pouvait dissimuler sa fatigue. Voyant tout ce qu’il en souffrait, le Roi et la Reine lui firent donner une chaise qu’il accepta avec reconnaissance ; cependant il n’en profita pas longtemps. Le fameux quintetto du Turco in Italia fut recommencé. Lorsqu’on vint à la phrase : « Questo Turcaccio maledetto, » que Lablache dit si