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a fait poser, avec les douze cohortes en rosace. Peu de jours après l’entrée de Louis-Philippe aux Tuileries, nous fûmes priés à dîner. Il y avait encore, avec nous autres, lady Granville, son mari et ses deux filles, M. et Mme de Werther avec leur fille, le baron de Humboldt, M. de Schegel, le prince et la princesse de Castel-Cicala et sir Richard Acton, qui venait d’Italie.

Chargé d’un message du roi de Naples pour Mme la Duchesse de Berry, il avait eu toute la peine du monde à trouver cette princesse dans la petite ville de Massa ; quelqu’un enfin lui indiqua la maison ; il frappe à la petite porte à plusieurs reprises, il était nuit : on arrive enfin, la porte s’ouvre. Qu’on se figure son étonnement, en voyant Madame Royale elle-même devant lui avec un chandelier à la main. Elle l’invita à rester à dîner ; ce dîner fut bien frugal ; le marmiton, avec son bonnet sur la tête, en veste et tablier, fit tout le service.

M. Acton a eu une longue conversation au sujet de Mme la Duchesse de Berry, avec la Reine qui le questionna sur tout. Pas le moindre détail ne lui échappa, tout l’intéressait.

Après dîner, le Roi me fit l’honneur de me montrer l’appartement en détail ; il me répéta encore qu’il n’était entré aux Tuileries uniquement que parce que l’Empereur le lui avait conseillé.

— Je me rappelle parfaitement. Sire, dis-je à Sa Majesté, le propos tenu par mon auguste maitre et les détails que nous en a donnés le général Belliard.

— Dites-vous bien, comte Rodolphe, continua le Roi, que j’ai fait un grand sacrifice aux convenances en quittant mon beau Palais-Royal pour cet appartement si noir. Voyez toutes ces pièces ; il y a cependant assez de bougies et, malgré cela, comme elles sont sombres et tristes, puis ce petit salon de ma femme (en se reprenant) de la Reine, comparé avec la belle galerie où elle recevait au Palais-Royal ; et encore si vous voyiez l’appartement de ma sœur !

— Oui, comte Apponyi, dit Madame Adélaïde, le Roi a bien raison, je ne suis pas logée, je suis campée ; j’aurais bien pu trouver un appartement plus convenable au Pavillon Marsan ; mais c’est si éloigné, et je souffre, comme vous savez, de mes migraines. C’eût été pour la Reine et les enfans une affaire de venir me voir ; ici, au moins, elles peuvent descendre chez moi par le petit escalier tournant, chauffé comme ce salon ; elles