Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nécessaire de se lever. Le Roi, qu’on avait rappelé du Conseil, venait de rentrer et Donna Maria devait lui faire une demande en faveur de quelques réfugiés portugais. Le pourpre au visage, les yeux baissés, elle fit une profonde révérence à Sa Majesté. Le Roi en fit une plus profonde encore et puis une autre et encore une. Cependant, la Reine, toute tremblante, récita la phrase qu’on lui avait apprise. Louis-Philippe, avec la galanterie qu’un roi même doit à une femme et surtout si cette femme est une reine, accorda la demande avec beaucoup de grâce dans ses paroles et très peu dans son maintien. Philippe d’Orléans a le don de la parole autant que Charles X, mais il est loin de posséder cette grâce chevaleresque, ce port vraiment royal du Roi exilé. Dom Pedro permit à sa fille d’aller rejoindre les princesses. Elle nous arriva en sautillant.

— Ah ! dit-elle, c’est fait, c’est fait, quel bonheur !

— Oui, ma chère, lui dit la reine des Français, avec cette bonté qui n’est qu’à elle, c’est fait, vous l’avez très bien dit. Calmez-vous maintenant ; il n’y a plus rien qui puisse vous préoccuper.

La petite Reine profita bien de cet avis ; dès ce moment, elle fut tout à son affaire ; c’était une autre personne ; c’étaient des éclats de rire, des gaîtés, des enfantillages dignes et même au-dessous de son âge et qui contrastaient bien singulièrement avec son physique, car, comme je l’ai dit, elle a l’air d’avoir dix-huit ans.

Le lendemain de notre visite, a eu lieu le dernier concert au Palais-Royal ; il n’a été question que de l’installation de la famille royale aux Tuileries ; les uns trouvent cette mesure indispensable et les autres la prennent comme une transition de la royauté libérale à l’absolutisme. Déjà on nommait des dames d’honneur, des grandes maîtresses, des chambellans, un grand maréchal du Palais, des aumôniers, etc., etc. Chacun distribuait ces charges lucratives ou d’honneur selon sa guise.

Cependant, deux jours après, nous eûmes cercle diplomatique à la Cour et aux Tuileries. Jamais ce palais ne m’a paru plus triste, plus inhabité, ni plus vides ces salles de gardes et plus déserts ces salons autrefois peuplés de chambellans, de maîtres de cérémonies. A peine y avait-il un domestique ou une hallebarde pour ouvrir les portes. Nous voilà enfin arrivés dans