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trouvais dans une des galeries du Palais-Royal, accompagnant l’ambassadeur. On chargea le peuple dans les jardins du Palais et dans les rues environnantes. Tout à coup, un homme s’approche de nous :

— Messieurs, ne vous exposez pas, vous courez de grands dangers ; nos ennemis pourraient vous reconnaître et dans ce moment, sur la place, l’on désarme la troupe de ligne.

Cet avis, tout exagéré qu’il nous parût, nous fit cependant rebrousser chemin et nous réfugier chez un glacier du Palais, de la croisée duquel nous vîmes passer et repasser l’émeute avec son hideux attirail.


17 septembre. — Le parti du désordre a profité de la nouvelle de la prise de Varsovie, comme il profite de tout pour troubler le repos, pour bouleverser ce qui existe ; cette fois, ce fut une guerre au Ministère. A toute force, on a voulu le chasser pour le remplacer par des républicains. L’ambassadeur de Russie, Pozzo, en a été quitte pour la peur ; Casimir Perier et Sébastiani ont manqué d’être pendus et ce n’est qu’au sang-froid du premier qu’ils doivent leur salut.

Le désordre une fois calmé dans les rues, grâce à quelques coups de baïonnette et de sabre, le démon de la discorde est entré dans la Chambre ; ce furent des interpellations au Ministère, des menaces, des reproches. Mauguin, fort heureusement pour le Ministère, se laissa emporter par sa fougue, sa violence, et il gâta par là la position de son parti.

D’un autre côté, le Ministère s’est bien défendu ; les imputations, la plupart fausses, étaient faciles à démentir. Mauguin n’ayant pas d’acte à produire, fut obligé de se rendre. Jamais je n’ai vu Paris dans une plus grande agitation ; les esprits étaient partagés entre le désir de l’ordre et celui de secourir les Polonais, car on pensait encore que le Roi pouvait en trouver le moyen ; on voulait l’y contraindre et il y eut un moment où l’on ne croyait plus qu’il fût en sûreté à Paris. Vincennes devait le recevoir.

Le danger était arrivé si vite que l’on n’avait pas même eu le temps de prendre les mesures nécessaires pour défendre les hôtels les plus exposés à la fureur de la populace, ainsi que ceux des ministres et de l’ambassadeur de Russie. Le comte Pozzo était au moment de prendre son thé après dîner, lorsqu’un