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Mme de Chastellux a dîné chez nous hier ; elle repart aujourd’hui pour la campagne. C’est une femme de beaucoup d’esprit ; je lui suis fort attaché. Elle nous a donné bien des détails sur les habitans de Holy-Rood, chez lesquels elle a passé quelques jours en mai dernier. Charles X parle de tout ce qui a eu lieu en France comme un homme qui n’a rien à se reprocher et qui se trouve justifié par ce qui arrive tous les jours ici ; mais il est triste et pensif. Rien n’est moins fait pour le distraire que le séjour du château de Holy-Rood, vaste bâtiment qui tient en même temps du palais et du couvent. Ce mélange d’architecture produit un effet très attristant, qui est encore augmenté par les brouillards presque continuels de ce pays. Le salon où la famille se réunit est sombre. Il ne peut donc faire oublier les superbes appartemens de Saint-Cloud, qui charment même la famille du roi Louis-Philippe tant gâtée par les appartemens du Palais-Royal et de Neuilly. Aussi est-on fort triste dans le salon de Holy-Rood, surtout lorsque les enfans de France n’y sont pas. Le Duc de Bordeaux et Mademoiselle, par leur gaité, leur esprit, leur gentillesse, les animent.

Madame la Dauphine s’occupe maintenant exclusivement de leur éducation. Elle leur prodigue les soins les plus tendres. Elle a entièrement renoncé au bonheur de revoir sa chère France ; elle l’aime encore toujours et peut-être avec plus d’exaltation. Les personnes qui se sont mal conduites envers elle, ne lui inspirent pas la moindre haine ; leur ingratitude lui fait du mal, mais elle leur pardonne. Elle est comme une personne qui a entièrement renoncé au monde ; elle ne vit que pour Charles X et pour l’avenir des enfans.

Mme la Duchesse de Berry, tout au contraire, est remplie d’espérances ; elle compte agir, elle veut courir toute espèce de chances pour reconquérir ses droits et ceux de ses enfans ; elle est par conséquent très montée contre ceux qui occupent le trône de son fils, et son ressentiment s’étend même jusqu’à sa tante, la reine des Français, tandis que Madame la Dauphine et même Charles X n’ont pas cessé d’aimer cette princesse et sont très fâchés lorsque les personnes de leur cour confondent la Reine avec les autres membres de la famille d’Orléans.

Tous les seigneurs écossais sont on ne peut mieux pour les augustes exilés ; ce sont des attentions sans fin ; ils ne manquent